Skip to Content

Que lisez vous en ce moment ?

Dernière contribution

827 posts / 0 nouveau(x)
Portrait de Pang Tong
Hors ligne
A rejoint: 12 novembre 2016
Contributions: 2668
Re: Que lisez vous en ce moment ?

Cool que ça intéresse des gens :-)

@ Gastondu : J'avais déjà écrit une petite fiche de présentation sur le bouquin dans une autre section. Du coup, je te la retape ici :

Citation:
Le folklore horrifique asiatique contient une pléthore de monstres, démons et fantômes en tous genres.

J'aimerais, dans ce cadre, présenter à la communauté les Contes de pluie et de lune (1776) de l'écrivain japonais Ueda Akinari. Ces contes, au nombre de neuf, sont considérés comme un des patrimoines littéraires japonais les plus importants du XVIIIe siècle.

Les histoires, indépendantes les unes des autres, ont cependant comme point commun de discourir autour du merveilleux et des fantômes.

"Le rendez-vous au chrysanthèmes" — de mémoire c'est le deuxième conte — est mon préféré car ciselé avec une telle finesse que cela en donne le vertige ; c'est pour trouver ce genre d'écrits que lire me rend heureux. Ueda reprend la trame d'un célèbre poème chinois du XVIe siècle faisant l'éloge de la loyauté et du dévouement — d'une certaine manière de l'amitié aussi — mais le magnifie par sa réécriture dans laquelle chaque détail compte et amène à la révélation finale. Lors d'une première lecture on peut passer à côté de ça mais si on relit les choses en sachant la conclusion, cela prend une toute autre tournure, mais j'en dis pas plus.

"Le chaudron de Kibitsu" est un autre conte très marquant du recueil. Il s'agit de la vengeance d'une femme qui, morte de chagrin par la faute de son mari préférant une courtisane, se change en sorte de démon et harcèle le couple infidèle. Elle tue rapidement la concubine et harcèle son mari en tentant en vain de rentrer dans sa maison en poussant des hurlements terrifiants — et je déconne pas là-dessus. Le mari va dès lors se tourner vers un moine pour tenter de dégager une solution... C'est le conte le plus horrifique du recueil et celui qui se veut — et c'est réussi — le plus effrayant.

Pour tous les amateurs du genre, le livre est vraiment à conseiller.

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de Pang Tong
Hors ligne
A rejoint: 12 novembre 2016
Contributions: 2668
Re: Que lisez vous en ce moment ?

Le vaisseau des morts de B. Traven — pseudonyme de l'écrivain allemand Otto Feige — raconte l'histoire d'un pauvre marin américain du début du XXe siècle se retrouvant sans argent et surtout sans papiers — dont un précieux livret de marin indispensable pour pouvoir être embauché — après que le navire sur lequel il travaillait — la Tuscaloosa — s'est fait la malle sans lui. Le gars, coincé en Belgique, se fait alpaguer par la police qui, ne sachant que faire de lui, décide de le faire passer secrètement la frontière de nuit pour que ce cas "problématique" ennuie plutôt leurs homologues néerlandais. Ces derniers, ne sachant non plus que faire de lui, font de même et le gars fait ainsi un petit tour d'Europe et de ses différents commissariats. Le gars, incapable de pouvoir revenir au pays, tente alors sa chance à son consulat où il se fait gentiment dégager au motif qu'il n'a plus de papiers et qu'il est dans l'incapacité de fournir des preuves de sa citoyenneté américaine.

Pendant quelques temps il vivote sans espoir de retour jusqu'au jour où il apprend que des navires engagent des marins sans papiers. Il tente sa chance et s'embarque sur le Yorikke, sorte de cercueil flottant destiné à terminer sa course dans un naufrage pour des questions d'assurance et pouvant, jusque là, se livrer à tous les trafics possibles. Les marins qui se retrouvent sur ces rafiots sont des pauvres ères condamnés à être exploités, le plus souvent jusque mort s'en suive.

B. Traven dénonce au travers de son roman le capitalisme et les inégalités sociales. Si le roman est, dans sa première partie, tourné vers le burlesque — notamment les scènes se déroulant aux commissariats ou au consulat américain —, le réalisme et l'horreur de la condition des marins du Yorikke est caractéristique de la deuxième partie du roman où il y décrit les conditions d'existence de ceux qui, dépouillés de tous leurs droits, acceptent les indignités les plus scandaleuses, sans pour autant cesser d'espérer.

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de Pang Tong
Hors ligne
A rejoint: 12 novembre 2016
Contributions: 2668
Re: Que lisez vous en ce moment ?

Le livre que je vous propose aujourd'hui est un véritable monument de la littérature chinoise ; j'ai nommé : Au bord de l'eau qu'on attribue généralement à Shi Nai'an (XIVe siècle).

Pour vous situer l'ouvrage, il figure parmi les 4 romans d'or de la Chine à côté : du Roman des Trois royaumes, du Rêve dans le pavillon rouge et du Pèlerinage vers l'Ouest.

Le roman raconte les aventures de 108 brigands férus de justice et de castagne. Ces aventuriers peu communs seront réunis au fil de l'histoire sous la direction de Chao Gai avant de passer sous la houlette de Song Jiang. Cette bande va dresser son camp de base et former une véritable armée au mont Liang pour s'opposer à la corruption des gouvernements locaux et des hauts fonctionnaires de l'empereur. La trame est prétexte à suivre les aventures de ces personnages truculents.

Les 108 brigands sont divisibles en deux catégories : les 36 astres célestes d'une part ; les 72 astres terrestres de l'autre.

La première catégorie comporte les personnages les plus importants, les plus charismatiques et les plus forts. On y retrouve entre autres : Lin Chong, sorte d'ancien général formateur déchu pour ne pas avoir donné sa femme en pâture au fils du ministre félon Gaojiu — son histoire est super triste — ; Lu Zhi-shen, énorme moine tatoué, amateur de bonne chair et de bon vin et doté d'une force prodigieuse ; Wu Song, dont le fait d'arme le plus connu est d'avoir réussi à tuer un tigre adulte à mains nues, rien que ça ; Li Kui, sorte d'Obélix psychopathe, passant son temps à vouloir trucider les gens — et parfois les bouffer.

La deuxième catégorie recèle des personnages secondaires, moins forts et moins intéressants que ceux issus de la première catégorie ; ceux-là étant, en quelque sorte, les lieutenants de ceux-ci. Pour autant, leurs actions sont déterminantes. On peut citer la gargote de Zhu Gui utilisée comme une couverture en vue de récolter des informations incognito. Je ne vous conseille cependant pas d'y aller car vous finiriez en morceaux, haché et intégré dans la farce de raviolis chinois...

Le livre est d'une certaine complexité, non pas du point de vue de l'intrigue principale — même si beaucoup d'histoires secondaires se chevauchent — mais par le nombre de personnages y jouant un rôle et par sa longueur. Il existe en effet, beaucoup" d'histoires dans l'histoire", ce qui peut rendre la lecture du roman un peu plus ardue. Dans sa version Folio, il est divisé en 2 tomes de plus ou moins 1000 pages tout de même. Une autre difficulté à ajouter concerne directement les références culturelles chinoises. Il y a beaucoup de notes explicatives mais tout n'est pas toujours dit et certaines scènes peuvent laisser un lecteur occidental perplexe...

Dernier élément, il existe plusieurs versions du roman. La version Folio est la dernière édition, quelque peu revue et corrigée dans laquelle il manque la dernière partie du roman qui est capitale à mon sens. La meilleure version française est, selon moi, l'édition La Pléïade, car elle est la plus complète — et malheureusement la plus chère aussi. La traduction est critiquable car on sent dans certains passages — notamment lors du combat entre Wu Song et le tigre — que la version française n'est pas assez sophistiquée et pas aussi précise que la version originale.

Quoi qu'il en soit, à tous les courageux qui seraient tentés par l'aventure, je leur souhaite bon courage et surtout bonne lecture !

Edité par Pang Tong le 04/10/2017 - 21:15

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de Romano
Hors ligne
A rejoint: 18 mai 2014
Contributions: 3014
Re: Que lisez vous en ce moment ?

J'arrive un peu après la bataille, mais merci Pang-Tong pour ce descriptif complet.

Je ne connais pas l'oeuvre originale Au bord de l'eau, mais j'ai lu la version manga (en 8 tomes) adaptée de l'oeuvre par un grand nom du manga (Yokoyama) au tout début des années 70.
Le manga a été édité par Delcourt et est malheureusement introuvable aujourd'hui. D'après ce que tu décris, cela à l'air assez fidèle au manga original. Il faudra que je lise le livre pour savoir jusqu'à quel point.

Mais surtout, Au bord de l'eau est à l'origine d'une série de jeux vidéos éditée à la grande époque de Konami et que j'apprécie tout particulièrement, Suikoden (qui signifie donc Au bord de l'eau en Japonais). Bien sûr l'histoire est adaptée, mais on retrouve la même idée du recrutement des 108 étoiles pour renverser un régime criminel et inique.

Portrait de Pang Tong
Hors ligne
A rejoint: 12 novembre 2016
Contributions: 2668
Re: Que lisez vous en ce moment ?

@ Romano :

C'est toujours avec plaisir ^^

Sinon, je viens de finir Être sans destin de l'écrivain hongrois Imre Kertész qui relate, de son arrestation à Budapest jusqu'à la libération du camp et son retour chez lui, son existence dans l'univers concentrationnaire.

Autant vous dire que c'est un ouvrage très dur. Plus qu'un témoignage, le livre se veut une recréation du monde des camps dans lequel son auteur, par un effort de distanciation assez important, parvient à déranger — ou secouer — le lecteur en prenant quelquefois le contrepied de ce que nous pouvons penser. Certaines descriptions et situations peuvent même tourner à l'absurde en raison même de la façon dont Kertész les dépeints.

Juste une phrase :

"C'est ainsi que j'ai compris que, même à Auschwitz, on pouvait s'ennuyer — à condition d'être un privilégié."

Par contre, je crois bon de rajouter que ce n'est pas un livre à lire quand on ne se sent pas bien...

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de Pang Tong
Hors ligne
A rejoint: 12 novembre 2016
Contributions: 2668
Re: Que lisez vous en ce moment ?

Le Pousse-pousse de Lao She est un bon moyen de pénétrer dans la littérature chinoise.

Écrit comme une satyre de la société pékinoise des années 1920, le roman expose la volonté d'un jeune homme — Xiangzi — d'entrer dans la vie active et rêvant de faire fortune en devenant un tireur de pousse-pousse. Bien qu'il ait l'air de posséder une volonté sans faille, il sera, tout au long du roman, confronté à une société pervertie dont l'argent est l'élément central. Le lecteur suivra donc Xiangzi au fur et à mesure de son existence dont les rêves, les déceptions, les espérances, les désillusions seront évoqués sans que sa détermination ne disparaisse jusqu'à ce que...

Selon moi, le livre recèle deux qualités majeurs qui le rendent accessible à un lecteur occidental :

Premièrement, le livre est facile à lire. En effet, il n'est pas nécessaire d'être sinologue pour comprendre le récit dans sa globalité. Il existe bien entendu des codes culturels chinois mais ceux-ci ne perdent pas le lecteur. Au pire, quelques subtilités ne seront pas comprises ; rien de dramatique au final. Lao She possède une langue claire, précise et, caractéristique toute personnelle, emplie d'humour. Ainsi, même dans des moments tragiques, il est toujours possible de se retrouver, comme par inadvertance, en face d'un passage plus léger, voire drolatique.

Deuxièmement, Lao She n'est pas n'importe quel écrivain chinois ; il est l'écrivain de Pékin. Il est capable de recréer l'atmosphère de la ville avec ses marchés, ses habitants, ses rues particulières, ses saisons — et ce que cela implique, — ses odeurs mêmes ! Le Pékin du début du XXe siècle, renaît dans son roman qui peut être considéré comme une sorte de témoignage de la société pékinoise de son temps tout en apportant une certaine fraîcheur exotique.

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de ShininBright
Hors ligne
A rejoint: 6 août 2017
Contributions: 46
Re: Que lisez vous en ce moment ?

22/11/63 de Stephen King (et en anglais s'il vous plaît ^^)

Sacré Graal !
Portrait de Gastondu
Hors ligne
A rejoint: 29 avril 2014
Contributions: 211
Re: Que lisez vous en ce moment ?

@Pang Tong d'où te vient cette passion pour la littérature asiatique ?

Portrait de Pang Tong
Hors ligne
A rejoint: 12 novembre 2016
Contributions: 2668
Re: Que lisez vous en ce moment ?

Je suis un passionné de littérature tout simplement ^^

Pour tout dire, c'est ma femme qui m'a lancé dans la littérature chinoise. Ayant commencé par là, j'ai élargi mon tour d'horizon à la littérature japonaise. D'abord par les auteurs parmi les plus connus, puis en élargissant au fur et à mesure. Mais bon, il me reste encore pas mal d'écrivains à découvrir ;-)

J'en parle beaucoup parce qu'elle est pas mal méconnue en Europe et je suppose — peut-être à tort — que plusieurs personnes ici pourraient trouver un intérêt dans les livres proposés.

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de Pang Tong
Hors ligne
A rejoint: 12 novembre 2016
Contributions: 2668
Re: Que lisez vous en ce moment ?

Les jeunes filles de Henry de Montherlant.

On partage la vie de Pierre Costals, écrivain à succès, et son rapport avec les femmes, notamment les jeunes filles — rien d'illégal, je vous rassure.

Le roman a ceci de pertinent qu'il propose un discours sur la psychologie non pas de la femme — ce serait bien sûr caricatural — mais de différentes fans féminines entretenant une correspondance — ou essaient de le faire tout du moins — avec Pierre Costals et, de manière plus générale, des rapports hommes-femmes. Costals, qui est un goujat, et c'est peu de le dire, va cependant nous apprendre beaucoup sur la personnalité d'Andrée Hacquebaut, femme d'une intelligence supérieure, passionnée par l'œuvre du maître mais dotée d'un physique ingrat.

Cette femme est intéressante car, bien qu'elle ne soit pas le seul personnage du roman, elle est celle dont la psychologie est la plus fouillée. Elle est âgée de 30 ans, est demeurée vierge — c'est important — et ne souhaite que ce donner à Pierre Costals qui refuse de son côté. Elle va tenter tout ce qui est possible pour parvenir à ses fins, en vain, sans se rendre compte jusqu'à quel point elle deviendra pathétique.

À la lecture du roman, j'ai été pris de colère, de dégoût, d'empathie et de pitié pour cette femme qui s'aveugle car elle ne désire pas voir la réalité. Elle est trop bien pour les hommes de sa campagne qui ne sont présentés par elle qu'en des termes peu flatteurs. Elle pense qu'une sorte de destinée doit lui offrir ce Pierre Costals, homme supérieur lui aussi, qu'elle seule arriverait à comprendre. Autant vous dire qu'elle ne le comprend pas du tout et que le mec est un salaud qui essaye de se faire passer pour un gentil. La seule chose, c'est qu'il ne l'aime pas et qu'il ne le dit pas clairement.

La fin du roman est triste à pleurer ; il se termine sur deux lettres de fans — dont une d'Andrée — prenant un sens tragique à la lumière des révélations que Costals fait au lecteur par le biais de son journal intime et par les lettres qu'il envoie à d'autres correspondants — correspondants qui vont aussi apporter quelques petites révélations sur des détails vers la fin du roman.

La structure de l'œuvre est originale et intéressante car elle permet de garder une certaine tension tout au long du roman sans véritable intrigue. Le mélange de lettres et de passages réels — notamment lors des rencontres entre Andrée et Costals — à la pensée de Costals lui-même fait que le lecteur arrive à comprendre tout mais de manière déstructurée.

Dernière chose, le roman est la première partie d'une œuvre plus grande composée : de celui-ci, de Pitié pour les femmes, de Le Démon du bien et de Les Lépreuses. Je n'ai pas encore lu les autres romans et ne peut donc rien dire dessus d'intéressant.

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)