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[Débat] Relations éditeurs/Développeurs

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[Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Voila un sujet un petit peu pointu que j'aimerais lancer et débattre avec vous, car il connait aujourd'hui une nouvelle évolution qui risque d'être importante dans les années à venir et changer le visage du jeu vidéo que l'on connait pour l'instant.

Donc, oui, gros, GROS, GROS pavé, et encore j'ai ratissé assez large pour éviter de tomber dans le trop de détails. Et j'ai mis des images, tout le monde aime les images, c'est plus sexy les images.

Au début, il y avait ça...

Le monde du jeu vidéo est avant tout une industrie, qui brasse aujourd'hui plus d'argent que le cinéma et la musique.
Doutez vous donc bien que beaucoup de billets verts se retrouvent en jeu, et où chaque sortie siglée AAA, jeu d'envergure internationale destinée à la vente sur support physique, est un investissement important pour chaque éditeur.

Les rôles

On distingue généralement deux visions dans le jeu vidéo : celle des éditeurs, et celle des développeurs. Il est d'abord important de définir le rôle de chacun avant de continuer plus loin.
- L'éditeur est le commanditaire. Acceptant de financer les projets de boites de développements ou commandant un jeu à un des studios qu'il a acheté, l'éditeur s'occupe donc de financer le jeu au fil des mois. Se chiffrant généralement en millions, les investissements sont importantes pour plusieurs raisons : le salaire d'employés qualifiés, la mise en place marketing, la mise sur support CD...c'est aussi lui qui souffre en premier des mauvaises ventes d'un jeu, ou améliore son bilan si le jeu est un hit.
Citons parmis les plus célèbres éditeurs EA, Activision, Konami, Capcom, Ubisoft, 2K...
- Le développeur appartient à une boite de développement chargée de produire le jeu. On distingue les studios indépendants (Double Fine, Bungie, Cyanide...) et ceux affiliés à un éditeur (Naughty Dog, Sucker Punch, LionHead...). Les premiers proposent généralement un projet à différents éditeurs dans l'espoir de trouver financement, les seconds ont un partenariat privilégié avec les éditeurs, garantissant à ces derniers l'exclusivité de la licence produite.
Le studio a besoin d'un financement pour produire un jeu. Sans éditeur, il est très compliqué de pouvoir produire un jeu, tout du moins à grand budget.

Un modèle économique inégal

On voit bien que les éditeurs ont le pouvoir dans cette historie. C'est eux qui ont l'argent, c'est donc eux qui ont l'ascendant sur le studio. Très souvent, le studio doit faire fit de la créativité pour plaire au plus grand nombre, et ainsi amasser plus d'argent. Voir aujourd'hui autant de suite sur de grandes licences (Mass Effect, Uncharted, Halo...) assure à l'éditeur une certaine sécurité dans l'investissement.
Par conséquent, une certaine frivolité quand il s'agit de développer quelque chose de nouveau.

Deux gros cas d'école

Concentrons nous sur deux éditeurs aux politiques différentes : Activision et SEGA.

Activision est le parfait exemple de l'éditeur comptant surtout sur ses licences connues. On ne compyte plus aujourd'hui le nombre de Guitar Hero et de Call Of Duty. Deux grosses licences qui aujourd'hui comptent une communauté de fans très importante.
Résumons Black Ops en un chiffre : 14,62 millions de copies vendues à travers le monde. Succès expliqué par la communauté qui n'a cessé de grandir, Activision s'assurant des chiffres de ventes qui ont gonflé suite à la campagne pub agressive dont a fait preuve l'éditeur.
Telle est la politique gagnante de Activision, qui, en tant qu'éditeur, fait extrêmement bien son travail d'industriel, au détriment de la vision créative.
Il est d'ailleurs intéressant de noter un clivage de plus en plus marqué entre l'éditeur et les studios de développement. Les têtes pensantes de Modern Warafre 1&2 qui se barrent chez EA, Double Fine qui fait de même pour Brütal Legend qui a failli ne pas voir le jour, ou pire, être transformé en un Guitar-hero like. Certains n'aiment pas la politique d'Activision, et le font savoir.

Prenons maintenant le cas SEGA : MadWorld, Bayonetta, ou encore Vanquish ont été des succès critiques mais des fours commerciaux. De par un gameplay différent et/ou une direction artistique plus osée, la boite du hérisson bleu n'a malheureusement pas été récompensée par ces prises de risques. Bien qu'elle continue aujourd'hui de tenter de sortir de l'ordinaire, l'éditeur japonais se doit aujourd'hui de compter surtout sur ses licences connues. Les Sonic, même les plus moyens, connaissent des ventes honorables.

A qui la faute ? D'une certaine manière, à nous, joueurs, qui n'avons pas récompensé le travail de certains qui méritaient pourtant de survivre, je pense surtout à Clover qui nous a sans cesse sorti des perles (Okami, Viewtiful Joe...)
Toutefois...il y a à peu près 30 jours, un studio a lancé un pavé dans la mare, et un très gros, ce studio, vous avez lu son nom dans le pavé, il s'agit de :

Le changement ?

Pour vous donner un rapide historique, Double Fine est le studio qui a mis au monde les énormes Psychonauts et Brütal Legend, des succès artistiques mais échecs commerciaux. A la tête de la boite se trouve Tim Schafer, le papa de nombreux et mythiques point'n'clicks des années d'or des studios LucasArts : Full Throttle, Tales of Monkey Island, Grim Fandango ou encore Day of the Tentacle.
Conséquence de ces deux échecs, le studio s'est vu relégué à développer des jeux sur PSN et XBLA, tous des petits bijoux de créativité (Stacking, notamment.), peu de personnes étant prêtes à financer un nouveau jeu AAA signé Double Fine.
Pourtant, le studio a lancé un appel. Sur le site Kickstarter, ils ont demandé un appel au don pour financer un nouveau point'n'click du nom de Double Fine Adventure.

Ils demandaient 400.000 dollars.

Ils en ont récolté 3 millions.

Position nouvelle pour un studio : le financement par les fans, permettant à un nouveau point'n'click de voir aujourd'hui le jour, ce qui reste assez culotté vu les standards d'aujourd'hui. Double Fine est maintenant libre des choix qu'il va faire pour le développement de ce jeu, et ne sera pas contraint d'obéir aux directives d'un éditeur.
Le studio s'est donc débarrassé du joug de l'éditeur, et a passé outre le système basique de financement Editeur à développeur.

Un nouveau modèle économique ?

On peut maintenant se poser quelques questions. Ce nouveau modèle économique offre aux développeurs la possibilité d'une plus grande liberté et prise de risque. Le développeur et le joueur sont gagnant, le joueur décidant de la somme qu'il met, s'assurant d'avoir une copie du jeu à la sortie, à 15 dollars minimum, ce qui est déjà nettement moins cher que de devoir débourser 70€.
On dénote aussi, mais ce n'est nouveau pour personne, le soulignement d'un certain clivage existant entre la volonté des éditeurs et l'envie des joueurs et des studios. Ce modèle pourra ainsi donner lieu à la naissance de plus de nouvelles licences, et de redonner vie à d'autres emplies de qualité qui ont malheureusement sombré suite à de mauvaises ventes.

Et je pose maintenant cette question à ceux qui ont eu le courage de lire ce pavé jusqu'au bout : et vous, que pensez vous de tout cela ? Double Fine a t-il ouvert ma marche à une nouvelle économie ? Cela restera t-il plutôt isolé ? Que deviendront les éditeurs ? Tant de questions dont je vous invite à débattre dans la joie et la bonne humeur !

Edité par Harro le 15/12/2012 - 21:00

"Non maman ! Je ne regarde pas de sites érotiques, j'étudie l'anatomie de cette dame en position dos allongé, ce n'est pas la même chose !"

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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Activision c'est le mal (je démarre par un troll) sinon ton sujet est très bien expliqué et pour répondre à ta question je penses que Double Fine est un studio qui peut adopter ce modèle économique car tout simplement il n'y en a pas d'autres, si beaucoup de studios avaient ce modèle-là ça pourrait être désastreux il vaut que Double Fine reste avec leur politique et que les autres ne s'en inspirent pas.

Portrait de Tommy Vercetti
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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Sujet très intéressant d'autant plus qu'il en dissimule plusieurs autres : les joueurs et le goût vidéo ludique (préférer le bourrin très cher et superficiel à l’expérience artistique ou originale), le souci d'équilibre entre popularité et prise de risque, la démocratie culturelle entre éditeurs vénaux, froidement pragmatiques et joueurs passionnés pouvant investir dans le développement...

Pour ma part, ma réponse se résume à ça : Le jeu vidéo est une culture comme les autres.
Nous aurons du honteusement populaire, sur-représenté et sur-médiatisé. Mais ça n'empêchera pas à un jeu vidéo plus inspiré de se faire une niche. Le studio Clover n'a pas cessé de mourir... et de revenir à la vie (Seed, Platinum Games). Je pense que le jeu vidéo va se diviser tout comme sa communauté. Il y aura ainsi le jeu casual qu'on connaitra bientôt comme le jeu vidéo populaire et le "reste" qui sera un Jeu Vidéo réservé à ceux que je serais tenté d'appeler des ludophiles.
Pendant longtemps, nous avons eu le plaisir de connaître des jeux aussi populaires qu'excellents. Faisant l'unanimité d'après les ventes et les critiques. Aujourd'hui, ce n'est plus vraiment pareil.

Un autre point que je voulais aborder est la reconnaissance du jeu indépendant ou atypique. Le problème ne vient probablement pas du respect accordé à ce type de jeux, mais du fait qu'il est de moins en moins requis d'être passionné de jeu pour jouer à des jeux.
De façon plus claire : Tu as beau entendre partout que Okami est la merveille du jeu vidéo, une expérience transcendante qu'on ne vit qu'une fois avec une manette, tu ne l'achèteras pas si tu as juste les sous pour t'acheter Fifa et Tekken. Et c'est pire aujourd'hui avec les jeux ayant moins d'intérêt en eux même que la satisfaction apportée par la compétition online. Quand on y prend goût on ne veut pratiquement acheter que ça.
Il ne s'agit pas d'être un kikoo ou non, mais être passionné demande autant de temps que d'argent. Il faut prendre le temps de d'expérimenter le jeu vidéo populaire pour développer une sincère curiosité envers les œuvres atypiques. On découvre le cinéma dès le plus jeune âge et on apprend progressivement à aimer ce qu'on regarde. Mais je me demande bien qui a pu avoir pour premier coup de foudre "Hannah et ses soeurs" ou "Citizen Kane".
On commence par le commencement quand on fait les choses bien.

Edité par Tommy Vercetti le 13/03/2012 - 22:20
Portrait de SpaceMoule
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A rejoint: 11 mars 2012
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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Ah mais il y a moyen de beaucoup extrapoler avec un tel sujet, et les points que tu as soulevé en sont de très bons exemples.

Effectivement, la tendance s'inverse, et je pense que l'on peut d'or et déjà qualifier le jeu casual comme populaire, tout comme les communautés se divisent. Il suffit juste de voir la guerre des consoles, qui ne me semblait pas très virulente à l'époque de la sortie de la première Playstation.

On touche là à l'évolution du jeu vidéo dans son ensemble. Je ne critique pas la casualisation, au contraire je suis le premier à proposer une partie de Mario Kart avec les amis, mais je pointe du doigt la destruction de boites qui font des jeux pour les gens que tu considères comme "ludophiles".
La tournure que prennent (imposent ?) les éditeurs aujourd'hui n'amène pour l'instant aucun équilibre, ils sortent des suites, ne s'aventurent pas en terrain connu et le nouveau public achète des suites en masse, adoptant le même comportement que les éditeurs.

Je mets en exergue ta phrase : Il faut prendre le temps de d'expérimenter le jeu vidéo populaire pour développer une sincère curiosité envers les œuvres atypiques.
A 200%, je suis d'accord avec cela, mais le terrain actuel n'aide pas vraiment, alors certes une tranche de joueurs occasionnels aujourd'hui s'intéresse un peu plus aux oeuvres plus atypiques, mais le chiffre est pour l'instant trop faible. Cela n'empêche pas les PME spécialisées dans le JV de niche de mettre la clé sous la porte, surtout que la crise n'aide pas.

On a parlé de Clover dont les membres ont du recréer de nouveaux groupes, alors oui, certains studios se font un public de niche fidèle et solide pour pouvoir survivre. Mais tous n'ont pas cette chance.

Soyons chauvins, soyons français : DarkWorks Studios était un excellent studio parisien qui proposait des jeux de niches, typés vers l'horreur. Leurs jeux n'ont pas suivi la vague casual et se sont retrouvés en liquidation judiciaire vers 2011. Aujourd'hui, le studio n'est plus, enfin si mais ils se cantonnent juste d'être une boite de VFX.

On est ainsi dans un cercle assez vicelard : les éditeurs servent toujours la même soupe par souci de faire fructifier leur capital, les nouveaux joueurs achètent et la majorité ne s'intéressent pas aux autres productions, les studios plus indépendants ou originaux se cassent la tronche.

Et je répondrai par cette dernière phrase aussi à pacificateur : D'où le fait que je trouve la solution de Double Fine très intéressante, mais uniquement pour les studios modestes. Ils récupèrent leur budget avant la production et peuvent, selon le pactole amasser, gérer leur temps et leurs moyens avec une deadline qu'ils s'imposent eux même. Moins de risques de jeu bâclé, une pub bouche-à-l'oreille que fait gratuitement la communauté qui a financé le jeu, et un financement qui ne met pas en danger les petits et moyens acteurs du milieu, leur permettant de survivre.

Edité par SpaceMoule le 14/03/2012 - 02:50

"Non maman ! Je ne regarde pas de sites érotiques, j'étudie l'anatomie de cette dame en position dos allongé, ce n'est pas la même chose !"

Portrait de Tommy Vercetti
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A rejoint: 4 septembre 2011
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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Citation:
Je mets en exergue ta phrase : Il faut prendre le temps de d'expérimenter le jeu vidéo populaire pour développer une sincère curiosité envers les œuvres atypiques.
A 200%, je suis d'accord avec cela, mais le terrain actuel n'aide pas vraiment, alors certes une tranche de joueurs occasionnels aujourd'hui s'intéresse un peu plus aux oeuvres plus atypiques, mais le chiffre est pour l'instant trop faible. Cela n'empêche pas les PME spécialisées dans le JV de niche de mettre la clé sous la porte, surtout que la crise n'aide pas.

Tout à fait. J'ai d'ailleurs suggéré que notre époque est assez différente puisqu'il n'y avait pas un tel acharnement des éditeurs à contrôler l'achat du joueur ne serait-ce que lors de la génération précédente. Il y a encore quelques années, on achetait un Tekken, un GTA, un Gran Turismo... en étant au fur et à mesure amené à sortir des sentiers battus.
Aujourd'hui, j'ai presque l'impression qu'un nouveau joueur achetant un Call of Duty achètera à vie des Call of Duty. C'est caricatural mais c'est ce que m'inspire l'agressivité du marketing vidéo ludique. T'as acheté Assassin's Creed II. Déjà lassé ? Le Brotherhood est déjà dans sa période communication ! Et c'est pareil pour de plus en plus de licences (Halo qui connaîtra un rythme de sorties plus court avec 343 Industries). Jusqu'ici, il n'y avait que les jeux de sport à imposer un rythme pareil à ses fans. Mais avec autant de licences triple AAA continuellement présentes sur le marché, on sait quoi acheter avant même de chercher. Je ne parle même pas du nouveau critère de jeu en ligne qui nuit à la consommation du jeu vidéo pour plusieurs raisons.
Il y aura ainsi très peu de joueurs qui trouveront le temps de s'intéresser au grand reste du jeu indépendant.

En ce qui concerne la solution de Double Fine, je ne sais pas si elle changera la face du Jeu Vidéo mais elle est très symbolique du besoin de liberté des "créateurs" de jeu vidéo. Le budget qu'ils ont acquis leur permettront d'envisager un produit surpassant le projet initialement prévu ou même d'en financer d'autres ! Je crois que ce genre de succès va inspirer une réaction plus grande des développeurs indépendants. Ils seront peut-être dorénavant plus tentés de faire confiance à une communauté régulière (les ludophiles) pour le financement de projets pas assez fiables sur le plan froidement économique, mais suffisamment intéressants pour des joueurs ayant l’œil.
Car, il faut aussi le souligner, nous achetons ce que nous imposent des économistes n'ayant aucune culture vidéo ludique et n'ayant pas l’œil pour distinguer la perle rare du projet sans intérêt, d'où le manque d'originalité des jeux soutenus. On se base sur la popularité de titres existant déjà et on se lance dans la communication bourrine et étouffante.

Bref, selon moi, le jeu indépendant trouvera sa place si il devient interdépendant. Si les studios s'associaient pour créer un réseau de communication autour de leur production, je pense qu'ils bénéficieraient d'une voix suffisamment forte pour les représenter aux côtés des produits AAA. Car un joueur ne retient pas forcément le nom des studios. Et si la carrure de Tim Schafer profite à d'autres titres que les siens, le bénéfice au final sera forcément réciproque. Rien que s'ils avaient une sorte de chaîne Machinima consacrée à ce type de jeu, ça porterait ses fruits.
'fin, si un mode de communication comparable existe déjà pour le jeu indépendant, désolé pour le paragraphe inutile. :p

Edité par Tommy Vercetti le 14/03/2012 - 10:54
Portrait de SpaceMoule
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A rejoint: 11 mars 2012
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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Mais j'aime les paragraphes inutiles, ça fait toujours quelque chose à lire, surtout quand cela vient d'une personne intéressée par le sujet...enfin, la seule pour l'instant :p

L'exemple Call of Duty n'est malheureusement pas une caricature. Je prends en exemple mon propre petit frère, qui n'a acheté ces cinq dernières années que des Call of Duty et World of Warcraft. Le cycle de parution rapide de chaque épisode de ces séries empêche beaucoup les nouveaux de voir plus loin, les éditeurs ne leur mettant que cela sous le nez.
Je travaille en tant qu'étudiant dans le jeu vidéo, et j'ai un prof qui a travaillé sur les deux derniers Batman estampillés RockSteady. Il m'a dit une phrase qui peut servir le débat : "l'un des moments les plus douloureux quand tu développes ton jeu, c'est d'y mettre tout ton coeur, de voir ton bébé prendre forme, et qu'ensuite un type en cravate le prenne et fasse n'importe quoi avec." Je ne sais pas si il parlait de son expérience chez RockSteady, mais je suis prêt à parier que le studio a du en chier pour que ça plaise à la Warner et surtout DC Comics, vu comment ils ont détruit Mortal Kombat vs DC en obligeant le studio NetherRealm à supprimer les fatalitys...voir SuperMan se faire arracher la colonne vertébrale, ça a pas plu. Mais ça rapport du pognon les MK, donc bon, on dénature et on récupère le flouze, hein...
Il y a aujourd'hui tellement d'argent en jeu que cela fait aussi surement peur aux éditeurs de se foirer, donc on rabat les mêmes cartes jusqu'à ce que la corde casse, ou on emmerde le studio pour qu'il ponde un truc viable économiquement parlant.

J'ai dit dans le post d'introduction que le JV brasse aujourd'hui plus d'argent que le cinéma. Je trouve cela extrêmement dommageable et surement pas bénéfique pour un sou à l'industrie dans sa globalité. Est-ce que Naughty Dog avait besoin de 25 millions pour sortir un Crash Bandicoot à l'époque ? Certainement pas, le studio avait un gros budget, mais certainement pas gargantuesque comme c'est bien trop le cas aujourd'hui.
Et à en voir les développeurs, cette tyrannie de l'argent les étouffe, et ils font savoir qu'ils étaient nettement plus libres à l'époque où 400 000$ suffisaient pour le financement d'un jeu.
Le studio inXile a été diablement intéressé par le concept lancé par Double Fine, ils demandent eux aussi via Kickstarter un financement pour Wasteland 2 (un peu le père spirituel des Fallout), et la somme demandée (900 000$) avoisine les budgets standards des jeux d'antans, dénotant là aussi que certains studios n'ont pas besoin de la pression de plusieurs millions pour sortir un bon jeu. On pousse encore plus loin le besoin d'émancipation de certains studios qui sont contre le modèle économique actuel.

L'idée d'un partenariat entre développeurs est plutôt intéressante, toutefois la mise en place d'un tel système coute de l'argent, et c'est un peu ce qu'il manque aux studios indé'. L'idée est intéressante, mais à la vue de ce que donne le système Kickstarter (qui a été plébiscité par des gros studios triple A d'ailleurs), je pense que la mise en avant de ce système permettra de faire d'une pierre deux coups : faire entendre la voix des développeurs, mais surtout celle des joueurs aux éditeurs, qui pourront par la suite se pencher sur le cas de perles rares et les mettre en avant pour qu'elles recoivent l'acceuil qui leur est mérité.

"Non maman ! Je ne regarde pas de sites érotiques, j'étudie l'anatomie de cette dame en position dos allongé, ce n'est pas la même chose !"

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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Citation:
Mais j'aime les paragraphes inutiles, ça fait toujours quelque chose à lire, surtout quand cela vient d'une personne intéressée par le sujet...enfin, la seule pour l'instant :p

En rédigeant des messages plus court, on invite plus facilement à la participation. ^^ Chose que je n'ai pas réussie dans mon élan.
Par ailleurs, je suis très content de m'informer sur tant de points importants ou anecdotes intéressantes concernant le monde du développement. Je salue le travail de documentation.

Le contraste entre un budget de jeu indépendant et celui d'un blockbuster est, comme tu le sais déjà, lié en grande partie à la focalisation sur le produit plutôt que sur la consommation. On ne fait pas de trailers lourdingues et envahissants, on n'investit pas non plus une fortune pour faire diffuser de la pub sur des sites ou des chaînes de télévision. Bref, on ignore ces dépenses incroyables qui constituent la majorité du budget d'un jeu AAA. Sans compter que c'est un mode de développement dans lequel la créativité brille plus que l'exploitation de technologies couteuses (motion scan, développement d'un moteur graphique dernier cri).

Pour le reste, je pense que le JV n'est pas un monde en noir et blanc. On observe un certain intérêt accordé par Sony au "jeu d'auteur" avec les Fumito Ueda et les créations de thatgamecompany. Bethesda et Valve qui sont des entités non négligeables du monde du JV entretiennent jusqu'à aujourd'hui une certaine vision du jeu vidéo (le récent Rage qui se distingue de la très grande majorité des FPS vendus de nos jours). Pareil avec Rockstar qui joue la carte de la clarté en matière de communication (on informe plus qu'on ne cherche simuler l'enthousiasme du joueur) et ne valide que des jeux visant l'excellence.

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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

TommyVercetti a écrit:
Pour le reste, je pense que le JV n'est pas un monde en noir et blanc. On observe un certain intérêt accordé par Sony au "jeu d'auteur" avec les Fumito Ueda et les créations de thatgamecompany.

C'est d'ailleurs assez paradoxal de voir que Sony a adjoint à la Team Ueda (sans Ueda^^) et à thatgamecompany (pour le développement de Journey) le soutien de Santa Monica qui est son studio le plus axé sur les blockbluster qui soit... Alors après on ne sait pas vraiment ont quoi ont (Journey) et vont (The Last Guardian) consister ces aides...

@ SpaceMoule : Même si vous étiez que deux à participer, ton sujet est vraiment très bien présenté et bien documenté.

Edité par GreenSnake le 15/03/2012 - 10:25

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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

A mon avis, ce soutien a sûrement dû servir à parvenir à un niveau technique auquel la plupart des jeux indé ne font pas encore preuve. Journey a un gameplay simple au possible mais d'une fluidité incroyable. Inutile de parler des graphismes ! Mais je ne pense pas que leur aide visait à dénaturer l'expérience. Ce doit être pareil pour TLG qui connait par ailleurs un retard devenant frustrant pour tout le monde.

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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

C'est complément un problème technique apparemment pour The Last Guardian qui a eu les yeux plus gros que le ventre par rapport à sa structure faisant qu'il accumule un peu trop les retards. Et comme Santa Monica a l'habitude de la démesure...^^ Sinon ces retards risquent de devenir un coup d'épée dans l'eau à la Gran Turismo.

Sell kids for food

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Re: [Débat] Relations éditeurs/Développeurs

Le problème de Gran Turismo n'était pas le même. La série n'a pas pour but de faire de l'artistique, elle est au contraire connue pour une réalisation techniquement impressionnante. Les premiers trailers étaient alléchants, mais quand le véritable jeu sort trois ans après, en ayant laissé Forza Motorsport prendre de l'assurance et un ascendant sur la maîtrise du format HD, ça ne pardonne pas. Il n'y avait techniquement pas assez d'évolution pour justifier un tel retard (la physique, le dynamisme du jeu...).
Pour The Last Guardian, il suffira de refaire de la com autour du jeu pour que l'intérêt revienne. Cela m'étonnerait que Sony fasse son travail à moitié en matière de médiatisation pour un jeu dans lequel elle a investit autant.