En cette année 3051, la prospérité régnait sur Mars ; à l'inverse de la Terre, avec un chiffre record de 40 milliards atteint par sa population, laissée à l'abandon dans l'espace comme ces zones de non-droit qu'on appelait jadis au XXIème siècle quartiers sensibles. Sur la planète rouge, les usines hydroponiques, les synthétiseurs de protéines fournissaient largement à chacun de quoi se sustenter. Il n'y avait pas de guerres. Et il n'y avait plus d'amour, résultat d'une politique de fer menée par les dirigeants martiens. En effet, si, par le passé, le bien pouvait naître d'un conflit armé entre deux ou plusieurs nations, un amour malheureux pouvait conduire une femme au suicide ou laisser un homme en lambeaux sur le trottoir telle une loque, ce qui, sur le plan démographique et de la main d'œuvre, était contre-productif. La science alors, sous la pression des gouvernements, avait entrepris des recherches sur comment annihiler sans dommages le sentiment amoureux dans le cerveau humain. Aujourd'hui 100 % fiable, cette opération de chirurgie mini-invasive, appelée innanapsie, consiste à sectionner au laser certaines fibres nerveuses au niveau de l'hypothalamus, après quoi le patient se doit de suivre un traitement médicamenteux à vie dont les effets bloquent la sécrétion des hormones sexuelles. Le coût exorbitant de l'opération et du médicament, les deux non remboursés par les mutuelles santé – quant aux régimes sociaux, ils avaient périclité depuis le XXIIème siècle –, permettait de filtrer les demandes d'émigration vers Mars : là-bas, seuls les individus ayant subi une innanapsie étaient tolérés.
Roman Interactif (salle des textes)
4 mars, 2017 - 13:01
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