Sociétés secrètes, théories du complot et secrets d'états

Le Stiglitz que tu dépeins est le Stiglitz des années 90, une décennie faste pour les marchés américains qui vivaient alors une économie débridée. A cette époque, ces gens-là se disaient que Ayn Rand avait tout compris, qu'elle avait vu juste. Qui est Ayn Rand ? C'était une romancière-idéologue complètement allumée qui demanda à ce qu'on place sur son cercueil une gerbe de fleurs géantes en forme de $, symbole du dollar dont elle fit la seule loi morale universelle. Dans ses romans, elle voit l'entrepreneur comme un surhomme : individualité et haine des parasites qui vivent du bien commun qu'elle dit illusoire et qu'elle déteste à la folie. De fil en aiguille, Rand est devenue l'égérie de la classe d'affaires. Elle compte encore aujourd'hui, parmi les disciples les plus fervents de sa pensée, une élite politique et d'affaires américaine dont fait partie notamment Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve Fédérale (la FED), l'équivalent chez nous de la Banque Européenne. Greenspan a toujours dit que Ayn Rand lui avait inspiré sa politique de total laisser-aller économique.

Avant le 9/11, les US vivaient dans un monde où les traders brassaient énormément de fric, et dès que la morale publique essayait d'intervenir par le biais de l'associatif ou du politique pour leur mettre des freins, les traders trouvaient une autre échappatoire pour faire davantage de profits. Un comportement qui a contribué à toutes les crises, à la perte de sens, la tendance à oublier l’économie réelle, celle des gens, des travailleurs, des consommateurs, des produits, des services, pour appréhender l’économie à travers le prisme virtuel de la finance. Et puis, il y avait différentes magouilles, dont la plus cuisante sera les subprimes.

"Un grand nombre d'institutions centrales de notre société ont perdu de leur crédibilité, parfois irrémédiablement – de l'Église au patronat, des tribunaux aux experts-comptables et aux banques. (...) La gauche et la droite sont déboussolées. Le fondement intellectuel du laisser-faire a été pulvérisé par les faits : non, les marchés ne conduisent pas automatiquement à l'efficacité – sans parler de justice. Quand le monde est entré en crise, après le 9/11, nous avons compris la nécessité d'une action collective. (...) Aujourd'hui, le défi consiste à trouver le juste équilibre entre l'État et le marché, entre l'action collective locale, nationale et mondiale, entre le gouvernemental et le non-gouvernemental. Quand les conditions économiques évoluent, il faut repenser ces répartitions."