Zelda : Majora’s Mask, un épisode méconnu : vos avis, vos interprétations.

Oni Link...

Voilà ce que j'avais écrit dessus:

Mais je me rends compte qu'il manque quelque chose. L'oni est un démon dans la culture japonaise. Oni Link, ce serait littéralement "Link démoniaque". Comment dire dans ces conditions que c'est un être foncièrement bon, l'aboutissement de toute une quête?

Revenons-en aux faits: si on admet que Majora's Mask est une quête identitaire, que ce soit l'acceptation d'un deuil ou le passage à l'âge adulte, alors le fait de collecter des masques est quelque chose de profondément positif. Et en effet, Link récupère chacun d'entre eux après avoir aidé quelqu'un.

Porter un masque, c'est comme changer de personnalité. En même temps, cela revient à se souvenir des personnages que l'on a rencontrés, car l'obtention d'un masque nécessitait à chaque fois de s'immiscer dans la peau d'un autre.

Chaque masque est une leçon d'altruisme dans lequel Link semble trouver un accomplissement, quitte à s'oublier lui-même.

Mais Link, s'il est apprécié, n'a nul part où se poser. De fait, en accumulant les services rendus, il ne côtoie pas les gens suffisamment longtemps pour s'en faire des amis.

Il lui reste néanmoins ces preuves de ses bonnes actions, qu'il garde précieusement.

Son long cheminement intérieur se conclut soit par l'acceptation du décès de son ami, soit par l'accession à la maturité de l'adulte.

Mais, contrairement à ce que l'on pourrait croire, tout n'est pas fini au moment où Link revient de la vallée d'Ikana. L'ultime étape de la quête intérieure de Link pourrait bel et bien se dérouler sur la Lune, dans ce somptueux jardin qui n'est pas sans rappeler, comme tu l'as fait remarquer, le jardin d'Eden.

Parlons-en, de ce jardin d'Eden, et plus précisément des évènements dont il est le théâtre, notamment dans la Bible. Il s'agit ni plus ni moins que du paradis sur Terre, d'où Adam et Eve sont chassés pour avoir mangé le fruit de la connaissance du bien et du mal, de l'arbre au centre du jardin.

Et si le gigantesque arbre au milieu de ce jardin féerique représentait lui aussi la connaissance du bien et du mal, en d'autres termes, l'âge adulte auquel Link aspire depuis le début de sa quête?

Le jardin d'Eden trouve un écho dans le mythe de l'Âge d'Or présent dans de très nombreuses civilisations. Or, on a souvent fait le rapprochement entre la mystification d'un Âge d'Or inspirant la nostalgie, et les regrets de l'enfance qu'un adulte peut éprouver (en fait, la comparaison va un peu plus loin, mais je vous passe les détails puisque ça ne va pas beaucoup faire avancer les choses). Le jardin de la Lune est donc peut-être une utopie symbolisant l'enfance.

Les enfants jouent dans la prairie sans se soucier de l'arbre...

...Oui mais au pied de l'arbre se trouve le garçon isolé, celui qui ne joue pas avec les autres. Celui qui veut jouer au gentil et au méchant... Reste à savoir qui est le gentil et qui est le méchant.

Le masque d'"Oni" Link semble ainsi indiquer que le méchant, c'est vous... Si vous n'aviez pas au préalable distribué aux autres enfants les preuves de votre bonté: les masque que vous avez collectés. Quand Link revêt le masque de puissance des fées, il se transforme en un adulte au visage terrifiant qui semble incarner toute l'horreur qu'en a le petit Majora. C'est la figure de l'adulte méchant, qui ne comprend pas les enfants, qui n'est bon qu'à réprimer, etc..

L'enfant au masque de Majora a un semblant de conscience du bien et du mal, puisqu'il s'intéresse à l'arbre. Ce qui le place à l'écart des autres bambins. Mais bien qu'il ait connaissance de ces deux notions, il ne les comprend pas très bien et de fait, cette incompréhension l'empêche d'avancer. Il reste prisonnier de son regard d'enfant. Problème dont Link a su se débarrasser.

Que faut-il en conclure? D'une part, que Majora représente: soit ce que Link serait devenu s'il n'avait pas réussi à grandir, soit justement cette petite voix tentatrice (et je suis ici la Bible, où le serpent joue ce rôle là), en lui, qui le supplie de rester un enfant, dans le jardin d'Eden, car le bien et la mal sont trop compliqués (et en effet, il est agréable d'être un enfant insouciant, mais le monde est avant tout celui des adultes et il est donc nécessaire de grandir pour participer à son évolution). D'autre part, que Link est confronté au dilemme des adultes: ce qui est normal puisqu'il en est un. Link, qui a la connaissance du bien et du mal, est obligé de sévir contre les bêtises des enfants qui ne veulent pas grandir.

Ce qui est remarquable, c'est que l'espace d'un instant, on aurait pu se demander si Link ne s'était pas transformé en démon, ce dont témoignerait ainsi le masque de puissance des fées. Mais on voit bien qu'il ne s'agit là que d'une ruse de Majora pour tenter de faire culpabiliser celui qui est en phase de devenir un adulte. Ce dernier ne recule pas, car il est convaincu de ses bonnes intentions, dont l'obtention et la distribution des autres masques sont la preuve.

On pourrait adapter le raisonnement à l'hypothèse du deuil, en montrant le tiraillement que l'acceptation peut engendrer. La crainte de l'oubli, la stigmatisation d'une certaine "insensibilité" dont Oni Link serait l'incarnation. Mais encore une fois, le caractère profondément altruiste de Link se retrouve retrouve à travers ses masques; ceux-ci lui rappellent d'ailleurs son long cheminement intérieur. Et tout cela prouve bien que l'acceptation de la mort n'est pas la marque d'une insensibilité mais bien le résultat d'une quête intérieure qui apprend à accepter la mort, sans l'oublier.

Voilà, j'espère que mon petit essai est convaincant! A vous de rajouter des choses ou de critiquer si vous en voyez la nécessité!