King Gizzard & The Lizard Wizard
(Humour, talent, subtilité, folie, il y a tout, et plus encore.)
Emily Jane White
King Gizzard & The Lizard Wizard
Toro Y Moi
Attention, à ne surtout pas visionner avec des enfants à vos côtés. Cette vidéo non officielle a été conçue par un YouTubeur qui a une araignée au plafond. Néanmoins, il faut le reconnaître, ça marche, la chanson de Toro Y Moi est mise en valeur. Sa nuit nous dévore. La boîte à rythmes bat dans notre poitrine. Et le sample de crissement de pneus, à 1:22 et 3:26, semble un cri d'éléphant à l'agonie.
Je vous en prie, ne passez pas à côté de cette chanson. C'est une merveille qui fait un trou au ventre. Je ne sais que dire pour inviter à l'écouter. Des bêtises, ça oui, j'en suis capable. Par exemple je pôurrais dire que sur les images d’archives qui vont suivre, vous verrez, en deux éclairs, le Groz’ours à deux âges de sa vie. Et que ces quelques fractions de secondes confirment la morale du conte d’Émile Zola, Une cage de bêtes féroces : le Groz’ours semble plus heureux dedans que dehors – les bêtes féroces, chez Zola, étant les hommes que les animaux fuient en s’enfermant eux-mêmes dans leur cage, apeurés, après en être sortis (la porte était ouverte) et avoir vu de quoi nous étions capables entre nous, notamment tuer non pas pour manger mais pour tuer. Mais bon... écoutez la chanson, elle n'a pas besoin d'accroche, je vous assure, elle s'en charge très bien elle-même.
Diamond Dog (performance live « huis clos » au Zénith de Dijon)
Molly Lewis (la nouvelle Micheline Dax)
Notre Micheline regrettée ▼▲
The Smile (pour l'ami gast lab)
Briana Marela
Qui a dit que le pays des Bisounours n’existait pas ?
On s’y rend par bateau. Un petit voilier jaune.
Et orange ses voiles toutes gonflées...
En 1954, en adaptant à sa sauce That’s all right (chanson créée par le bluesman Arthur Crudup), Elvis brise ses chaînes prolétaires et émancipe toute une jeunesse figée dans la naphtaline. Ce phénomène « rock’n’roll », qui déstabilise, bouscule, transcende, hystérise, ne s’abreuve pas seulement à la country, au rhythm’n’blues, au jazz, au gospel, mais à des sources extramusicales ; et la rivière des influences circule dans les deux courants. Le cinéma, bien sûr. Et la littérature. Kerouac, Neal Cassady, Allen Ginsberg, William Burroughs (entre autres) proposent aux jeunes un autre rêve où la réussite matérielle est présentée comme un leurre. Pourtant, dans les sixties, chez nous, en France, le plan Marshall n’a pas imposé exactement le même rêve américain. Nos chanteurs yéyés se bornant à singer grotesquement les Ricains à grand renfort d’images d’Épinal : chewing-gum, bannière étoilée, hula-hoop, Las Vegas, tiags, veste à franches, Cadillac, Harley, « Yeah ! » « Come on ! », comme si nous étions séparés du Nouveau Monde à la fois par un océan de flotte, de sang afro-américain, par des milliers de kilomètres, en somme, d’authenticité qui apparentait le rock français des 60's à une vaste blague. Toutefois nous avions, dans le mouvement de la contre-culture, un écrivain comme Guy Debord dont les travaux eurent un rayonnement international, et ce très longtemps, puisque nombre d’artistes punks s’en réclameront plus tard.
Mais retour en 1956. Norman Mailer, donc, sans doute celui qui aux US s’applique le mieux à poser les fondements de la contre-culture, à la théoriser, à défendre la notion d’une nouvelle aristocratie rock’n’roll, tandis qu’Elvis, de son côté, quitte le label indé Sun pour signer chez RCA où il enregistre son très célèbre Heartbreak Hotel qui le sacre définitivement symbole de la jeunesse mondiale (avec James Dean – mort l’année d’avant – et Marlon Brando), Mailer, en cette année 1956, écrit The White Negro : Superficial Reflections on the Hipster. Un tournant essentiel dans l’histoire du XXe siècle. Les valeurs dès lors ne seront plus les mêmes. Le « nègre blanc », le hipster, c’est bien entendu la quintessence du cool, mais aussi celui qui s’engage sur la route du danger, de la déviance. Fusion du bohème non conformiste, du bad boy juvénile antisocial, du « nègre blanc » sensuel, marginalisé. « Ma passion, écrit Mailer, c’est de saccager l’innocence. »
Pourquoi j’étale longuement ce récit rebattu ? Eh bien, parce que là, en avril 2022, Orville Peck vient de sortir son second album qui est la synthèse de tout ça. Qui est Orville Peck ? On ne connaît ni son âge ni sa figure (il porte un masque à franges comme le Texas ranger « The Lone Ranger », personnage de fiction justicier à la Zorro). Mais lorsqu’on l’entend chanter et jouer (il écrit et assure la plupart des instruments), son masque et ses chemises western à arabesques nous apparaissent tout sauf folkloriques. Et le bonhomme bosse dans un café pour vivre ; cela rend-il son talent encore plus authentique ? En tout cas, voici quelques titres. Tout l’album est bon. Sans parler du son. On a la sensation de parcourir l'Arizona au dos d’un pur-sang tellement la qualité des prises et du mixage est au rendez-vous. Pour le style, vous l’aurez compris, l’artiste a digéré Elvis, Johnny Cash, Ricky Nelson, Roy Orbison, Willy DeVille Chris Isaac… On pourrait dire qu’il a de l’estomac, dans tous les sens du mot, mais je préfère éviter de finir par un pet de l’esprit et laisser le mot de la fin à Norman Mailer : « La joie monte en moi de la même manière qu’une chanson peut rappeler à l’homme, au bord de la folie, qu’il sera fou de nouveau, et qu’il y a là un monde plus intéressant que le sien. »
Je vous propose un même morceau arrangé de deux façons différentes. D’abord le morceau original écrit/arrangé/interprété par le duo californien Fawns of Love. Puis la version de Robin Guthrie (ex-maître d’œuvre des Cocteau Twins). Pour la petite histoire, en fait, en découvrant cette chanson sur le Net, Robin Guthrie, touché par la voix et la mélodie, a demandé à Joseph Andreotti et à sa compagne Jenny (le duo en question) s’ils seraient d’accord de lui envoyer les pistes séparées pour leur proposer un autre habillage, comme ça, sans l’intention de faire mieux ou quoi que ce soit. Évidemment, le duo, honoré d’avoir été contacté par un aussi illustre musicien, s’est empressé de répondre à sa demande en lui laissant carte blanche ; au final, Guthrie n’a conservé que la voix et la guitare lead du morceau original. Voici donc les deux habillages. À vous de voir lequel vous préférez.
Fawns of Love - Someday
Fawns of Love - Someday (version Robin Guthrie)
Ce qui est agréable avec Robin Guthrie, on sent toujours qu’il va guidé par un halo de lumière. Même s’il pense ses compositions, ses arrangements, ses mixages, il tâche de copier le plus fidèlement possible une vision qu’il aurait eue en rêve. On y croise des visages cachés ou avenants. Des corps en cours de métamorphose. Des animaux fantastiques. Un faune zébré. La tête d’une biche, troublante d’humanité, naissant d'un rouge orange utérin, à moins que ce ne soit un rouge baiser ou tout simplement un rouge coquelicot de fête. Tout se mélange, tout fusionne dans le rêve qui respire à perdre haleine. Apaisés, oxygénés, nous allons parmi ces animaux aux yeux plus humains que les hommes, parmi ces corps en formation. Partout il y a quelque chose à découvrir. C’est le privilège de participer aux énigmes du rêve. Et en fin de compte, la pensée là-dedans, je crois, n’a pas sa place. Ce que crée Robin Guthrie relève de ce qui jaillit, non de ce qui s’invente. On le sent particulièrement, dans ce morceau, aux refrains – à 0:57, à 1:47 et à 2:53 (x3 jusqu’à la fin) – cela s’élève, cela monte comme une vague de sérotonine qui, selon notre sensibilité, poursuivra son ascension jusqu’aux yeux. Ainsi on obtient un nettoyage de l’âme et un nettoyage des globes oculaires pour le même prix. Ouep. Plus compétitif que Carglass le Guthrie.
Sans transition :
Cette série, je l'aime d'amour.
Sell kids for food
(Humour, talent, subtilité, folie, il y a tout, et plus encore.)
Qui a dit que le pays des Bisounours n’existait pas ?
On s’y rend par bateau. Un petit voilier jaune.
Et orange ses voiles toutes gonflées...
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Ambient :
Un classique hiphop de la côte est :
Metöl britannique :
Mais retour en 1956. Norman Mailer, donc, sans doute celui qui aux US s’applique le mieux à poser les fondements de la contre-culture, à la théoriser, à défendre la notion d’une nouvelle aristocratie rock’n’roll, tandis qu’Elvis, de son côté, quitte le label indé Sun pour signer chez RCA où il enregistre son très célèbre Heartbreak Hotel qui le sacre définitivement symbole de la jeunesse mondiale (avec James Dean – mort l’année d’avant – et Marlon Brando), Mailer, en cette année 1956, écrit The White Negro : Superficial Reflections on the Hipster. Un tournant essentiel dans l’histoire du XXe siècle. Les valeurs dès lors ne seront plus les mêmes. Le « nègre blanc », le hipster, c’est bien entendu la quintessence du cool, mais aussi celui qui s’engage sur la route du danger, de la déviance. Fusion du bohème non conformiste, du bad boy juvénile antisocial, du « nègre blanc » sensuel, marginalisé. « Ma passion, écrit Mailer, c’est de saccager l’innocence. »
Pourquoi j’étale longuement ce récit rebattu ? Eh bien, parce que là, en avril 2022, Orville Peck vient de sortir son second album qui est la synthèse de tout ça. Qui est Orville Peck ? On ne connaît ni son âge ni sa figure (il porte un masque à franges comme le Texas ranger « The Lone Ranger », personnage de fiction justicier à la Zorro). Mais lorsqu’on l’entend chanter et jouer (il écrit et assure la plupart des instruments), son masque et ses chemises western à arabesques nous apparaissent tout sauf folkloriques. Et le bonhomme bosse dans un café pour vivre ; cela rend-il son talent encore plus authentique ? En tout cas, voici quelques titres. Tout l’album est bon. Sans parler du son. On a la sensation de parcourir l'Arizona au dos d’un pur-sang tellement la qualité des prises et du mixage est au rendez-vous. Pour le style, vous l’aurez compris, l’artiste a digéré Elvis, Johnny Cash, Ricky Nelson, Roy Orbison, Willy DeVille Chris Isaac… On pourrait dire qu’il a de l’estomac, dans tous les sens du mot, mais je préfère éviter de finir par un pet de l’esprit et laisser le mot de la fin à Norman Mailer : « La joie monte en moi de la même manière qu’une chanson peut rappeler à l’homme, au bord de la folie, qu’il sera fou de nouveau, et qu’il y a là un monde plus intéressant que le sien. »