Pour l'instant, je lis "Sans famille" d'Hector Malot; c'est fou comme le roman rush ce qui dure des tonnes d'épisodes dans l'anime.
Je lis en parallèle "L'Amérique" de Franz Kafka.
Pour tous ceux qui aiment les histoires de fantômes, je ne saurais que trop vous conseiller Le Tour d'écrou de l'écrivain américain Henri James (1843-1916).
Une fois n'est pas coutume, je vous livre le quatrième de couverture qui explique bien tout le nœud du roman :
Citation:
Le huis clos d'une vieille demeure dans la campagne anglaise. Les lumières et les ombres d'un été basculant vers l'automne. Dans le parc, quatre silhouettes —l'intendante de la maison, deux enfants nimbés de toute la grâce de l'innocence, l'institutrice à qui les a confiés un tuteur désinvolte et lointain. Quatre... ou six ? Que sont Quint et Miss Jessel ? Les fantômes de serviteurs dépravés qui veulent attirer dans leurs rets les chérubins envoûtés ? Ou les fantasmes d'une jeune fille aux rêveries nourries de romanesque désuet ? De la littérature, Borges disait qu'elle est "un jardin aux sentiers qui bifurquent". Le Tour d'écrou n'en a pas fini d'égarer ses lecteurs.
C'est la deuxième fois que je lis ce court roman, la première lecture se situant approximativement vers mes 16-17 ans. Ce qui est assez amusant c'est que si j'ai retrouvé pas mal d'images de la première lecture lors de la seconde, les interprétations sont complètement différentes. Vous avez compris que Henri James s'amuse à rester ambigu tout au long de son histoire et on ne saura jamais réellement si fantômes il y a ou s'il ne sont que les manifestations des délires de l'institutrice...
Lors de la première lecture, j'aurais défendu la thèse des fantômes ; aujourd'hui, je penche plutôt pour les fantasmes de cette jeune femme. Quoi qu'il en soit, l'œuvre est rondement ficelée et qu'on croit ou non aux fantômes les scènes dans lesquelles ils apparaissent sont saisissantes par les frissons qu'elles inspirent.
Petit extrait pour vous donner un aperçu de la maîtrise technique du maître qui montre toute l'ambiguité du texte :
Citation:
Alors, avec tous les signes d'une pondération qui aurait sans nul doute paru sublime pour peu qu'il y ait eu quelqu'un pour l'admirer, je posai mon livre, me levai et, saisissant une bougie, je sortis tout droit de ma chambre, puis, quand je fus dans le corridor, où la lumière de la bougie était de peu d'effet, je refermai sans bruit ma porte et donnai un tour de clef.
Je ne puis dire maintenant ni ce qui me détermina ni ce qui me guida, mais j'avançai le long du couloir jusqu'à la haute fenêtre qui dominait la grande courbe de l'escalier. À ce moment, je pris brusquement conscience de trois choses. Je les perçus quasi simultanément, pourtant elles se succédèrent par éclairs. La bougie, à la suite d'un mouvement brusque, s'éteignit, et je vis, par la fenêtre sans rideaux, que le petit matin qui dissipait l'obscurité la rendait inutile. Sans elle, l'instant d'après, je sus qu'il y avait une forme dans l'escalier. Je parle par succession de moments, mais je n'eus besoin d'aucun délai pour me préparer à ma troisième rencontre avec Quint. L'apparition avait atteint le palier à mi-étage et était donc à proximité de la fenêtre quand, à ma vue, elle s'arrêta net et me fixa exactement comme elle m'avait fixée de la tour et du jardin. Quint me reconnut comme je le reconnus et ainsi, dans la pâle aube froide, une faible lueur venant de la haute fenêtre et une autre du poli de l'escalier de chêne, nous nous fîmes face avec une même intensité.
Cette fois, il était au plein sens du terme une présence — vivante, dangereuse et détestable. Mais là n'était pas le plus stupéfiant. Je réserve ce qualificatif pour une tout autre constatation : la constatation que l'effroi m'avait indéniablement quittée et qu'il n'était rien en moi qui fût incapable de le rencontrer et de l'affronter.
Après cet extraordinaire moment, j'éprouvais encore bien des angoisses, mais, Dieu merci, plus aucune terreur. Et il sut que je n'en éprouvais pas, j'en eus en un instant la jubilante certitude. Je sentis, dans un élan de confiance obstinée, que si je tenais bon une minute, je passerais, au moins pour l'heure, d'avoir à compter avec lui. Et durant cette minute, de fait, ce fut aussi abominablement "réel" qu'une rencontre humaine, abominablement justement parce que c'était réel, aussi réel que de rencontrer seule, la nuit, dans une maison endormie, quelque ennemi, aventurier ou criminel. Ce fut le mortel silence de notre long regard, à si faible distance, qui conféra à toute cette horreur, si monstrueuse qu'elle fût, sa seule touche hors nature. Si j'avais rencontré un assassin, en cet endroit et à cette heure, nous eussions au moins parlé. Quelque chose, qui relevait du vivant, se serait passé entre nous, et si rien ne s'était passé, l'un de nous aurait bougé. Le moment s'éternisa au point qu'il s'en fallut de peu que je ne doutasse d'être moi-même en vie. Je ne puis exprimer ce qui suivit, autrement qu'en disant que le silence lui-même — ce qui attestait d'une certaine manière ma force — absorba sa silhouette ; je le vis se détourner d'abord, comme l'aurait pu faire le misérable auquel elle avait jadis appartenu sous une impérative injonction, puis, tandis que mes yeux fixaient ce dos dont aucune bosse n'aurait pu aggraver la vilénie, descendre l'escalier et se dissoudre dans l'obscurité où se perdait le prochain tournant.
Bonne lecture !
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Pour tous ceux qui aiment les histoires de fantômes, je ne saurais que trop vous conseiller Le Tour d'écrou de l'écrivain américain Henri James (1843-1916).
Si ça t'intéresse il y a un excellent film qui a été adapté du bouquin : Les Innocents de Jack Clayton (1961) ^^
Sinon pour revenir au sujet du topic, en ce moment je lis La Maison des Feuilles et, euh... comment dire ?
Spoiler ▼▲
C'est vraiment très intéressant cette façon qu'à l'auteur de jouer avec l'aspect formel du texte, surtout que ça soutient totalement l'histoire (ça parle d'une famille qui découvre une pièce qui n'est pas censée exister dans leur maison et il s'avère que cette pièce donne sur tout un labyrinthe au coeur de la maison).
C'est assez difficile de résumer le livre mais disons qu'il joue énormément sur notre perception du réel en créant de fausses références littéraires, de fausses annotations de l'éditeur, de fausses annotations du traducteur, etc.
Le tout sous la forme d'une analyse très sérieuse d'un documentaire à propos de ladite maison qui serait sorti il y a quelques années, aurait été présenté dans divers festivals mais serait tombé dans l'oubli depuis... documentaire qui n'a évidemment jamais existé... à moins que..?
Le bouquin peut-être assez déstabilisant à lire mais il n'en reste pas moins très intéressant et totalement unique ^^
Team Mimic en ostryer de Vriginie
"All those moments will be lost in time, like tears in rain."
Ah ben écoute, je vais aller le chercher alors. Curieux de voir ce que ça donne ^^
En ce qui concerne la Maison de Feuilles, j'en ai entendu parlé. Pas si facile à lire que ça en effet même si ça doit bien être unique comme tu le dis ^^
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Pour tous ceux qui aiment les histoires de fantômes, je ne saurais que trop vous conseiller Le Tour d'écrou de l'écrivain américain Henri James (1843-1916).
Je l'ai justement ajouté à ma liste de lecture récemment :)
Un roman d'un auteur que j'ai déjà évoqué ici même : Seul dans Berlin de Hans Fallada (1893-1947).
L'histoire débute en mai 1940, alors que l'Allemagne fête les victoires allemandes lors de la campagne de France. Mais si la ferveur nazie trouve son paroxysme de façade, misère et terreur prennent la plus grande place dans la société allemande. Le lecteur suit le quotidien d'un modeste immeuble berlinois dans lequel persécuteurs et persécutés y cohabitent : Frau Rosenthal, juive, dénoncée et pillée par ses voisins ; la famille Persicke, dont les enfants font partie des SS, qui terrorise les habitants de l'immeuble ; les époux Quangel qui, après avoir reçu la nouvelle de la mort de leur fils pendant cette même campagne de France, décide de résister et d'inonder Berlin de tracts contre Hitler avant de se faire attraper...
J'ai beaucoup aimé ce roman. Fallada parvient avec des mots simples à dépeindre des caractères, des psychologies de personnages assez variés. De même, il arrive à rendre une ambiance mortifère dans laquelle tout le monde à peur à un moment où à un autre. C'est bien de la tyrannie dont il est question ici. Personne n'y réchappe et tout le monde la subit, la plupart du temps en silence. Pas de grands héros, juste des gens ordinaires comme vous et moi. C'est un roman assez dur, plusieurs passages sont assez tristes en effet. Tristes et révoltants, j'aimerais ajouter. Enfin, le livre nous permet de voir une Allemagne nazie plus complexe que ce qu'on a l'habitude de vouloir imaginer. Tous nazis ? Non, bien sûr. Tous résistants ? Non plus. Mais beaucoup de peur et de mensonges, de lâcheté aussi, il faut le reconnaître, et surtout, après tous les malheurs traversés, un infime espoir. Un espoir qui ne réparera pas les horreurs passées, non, mais qui permettra à la vie de continuer malgré tout.
La deuxième partie du roman est la plus pénible car on entre dans les cachots nazis dans lesquels toutes les atrocités sont permises...
Un extrait assez saisissant, je préviens les plus sensibles, c'est une vision d'horreur :
Citation:
Ils marchèrent le long d'un grand couloir, puis une grande grille en fer fut refermée, leur accompagnateur montra son papier à un gardien et puis ils descendirent beaucoup de marches en pierre. L'air était humide, la lumière électrique était sinistre.
"Là !" dit le SS, et il ouvrit une porte. "C'est la cave des cadavres. Mettez-là ici, sur la paillasse. Mais déshabillez-là d'abord. On est juste en vêtements. On réutilise tout !"
Il rit, mais son rire était forcé.
Les femmes poussèrent un cri d'épouvante. Car dans cette véritable cave de cadavres, il y avait des hommes et des femmes morts, et tous étaient nus comme ils étaient venus au monde. Ils avaient des visages brisés, des marbrures sur le corps, des membres tordus, des croûtes de sang et de crasse. Personne n'avait pris la peine de leur fermer les paupières, ils regardaient de leurs yeux morts, et on aurait même pu croire que certains d'entre eux clignaient des yeux d'un air perfide, comme s'ils étaient curieux et qu'ils se réjouissaient de cette arrivée qui venait grossir leurs rangs.
Et pendant qu'Anna et Trudel s'efforçaient de retirer ses vêtements à la morte Berta le plus rapidement possible, elles ne purent pas s'empêcher de jeter encore et toujours un regard derrière elles, sur l'amoncellement des morts, sur cette mère dont les longs seins s'étaient taris pour toujours, sur ce vieil homme qui avait certainement espéré pouvoir, après une longue vie de labeur, mourir dans son lit, sur cette très jeune fille aux lèvres blanches qui était faite pour donner et recevoir l'amour, sur ce jeune garçon au nez fracassé et dont le corps harmonieux semblait d'ivoire jauni.
Cette pièce était silencieuse, les vêtements de la morte Berta émettait un léger froissement sous les mains des deux femmes. Puis une mouche bourdonna, et tout redevint silencieux.
Le SS, les mains dans les poches, regardait les deux femmes qui travaillaient. Il bâilla, il s'alluma une cigarette et dit : "Oui, oui, c'est la vie !" Et tout redevint silencieux.
À tous ceux qui aiment la littérature russe, je peux proposer aujourd'hui Les allées sombres d'Ivan Bounine (1870-1953), premier Russe à obtenir le prix Nobel de littérature.
Ce recueil est composé de 38 nouvelles de tailles variées — de 2-3 pages à 40 plus ou moins. Le sujet, c'est une chose assez simple tout en étant assez complexe puisqu'il s'agit de parler de trois choses qui nous entourent : l'amour, la mort et la femme.
D'amour, il en est beaucoup question. Cependant, ce n'est pas l'amour à l'eau de rose dont il est question ici. C'est l'amour vrai, c'est l'amour vache, c'est l'amour destructeur parfois... L'amour qui conduit au suicide de certains personnages, l'amour emplit d'illusions, l'amour violent. Il n'est pas question ici d'encenser ni les femmes, ni les hommes ; le but est d'évoquer la question de l'amour dans toutes ses facettes : de la plus belle à la plus brutale.
De mort, vous l'aurez compris, qu'il en est également question. Eros et Thanatos sont souvent étroitement liés. Il y a d'ailleurs une fascination morbide pour cette thématique qui nous fascine autant qu'elle nous révulse.
De la femme... Peut-on encore aujourd'hui avoir le droit d'essayer d'écrire sur elle ? Je pense que oui car en parlant de la femme, on parle de l'homme dans le même temps ; de l'homme et des interactions entre les deux sexes. Les hommes ne sont pas épargnés dans ces nouvelles, les femmes non plus. Elles ne sont pas tout le temps des êtres faibles et fragiles, des victimes d'hommes-bourreaux. Certaines, victimes, le sont, d'autres peuvent se montrer cruelles...
La langue de Bounine est très élégante, fine et délicate. En peu de mots, l'écrivain arrive à nous faire ressentir, plus que des émotions, l'atmosphère de la scène qu'il d'écrit. Les descriptions sont réussies, nous voyons les paysages s'étaler sous nos yeux. C'est un réel plaisir de lire cette œuvre sans compromission.
Ce que j'ai préféré, dans ces nouvelles, ce sont les courtes, voire les très courtes. Je vous en présente deux dans leur entièreté qui ont fait verser à mon cœur des petites larmes de sang :
Une beauté
Citation:
Un fonctionnaire du Trésor, veuf et âgé, avait épousé une ravissante jeune personne, fille d'un officier supérieur. Il était taciturne et modeste, elle, en revanche, attachait du prix à sa personne. Grand, maigre comme les phtisiques, il portait des lunettes teintées, couleur d'iode, parlait en sifflant légèrement et s'il voulait hausser quelque peu la voix, il basculait dans le fausset. Elle était plutôt petite, solide, bien faite et toujours élégante, parfaite maîtresse de maison, avec des yeux d'un bleu merveilleux auxquels rien n'échappait. Comme la plupart des fonctionnaires de province il avait l'air totalement dépourvu d'intérêt, ce qui ne l'avait pourtant pas empêcher, dès son premier mariage, d'épouser une très belle femme. On n'y comprenait rien : pour quelles raisons de telles femmes l'épousaient-elles donc ?
Et voilà que cette seconde beauté se mot tranquillement à détester le petit garçon de sept ans qu'il avait eu avec sa première femme ; elle fit mine de ne pas s'apercevoir de son existence. Le père, qui la craignait, feignit alors à son tour de n'avoir jamais eu de fils, et l'enfant, de nature vive et caressante, en vint à craindre d'ouvrir la bouche en leur présence, jusqu'à se renfermer complètement et se rendre comme inexistant dans la maison.
Immédiatement après la noce, de la chambre de son père, où il couchait jusqu'alors, on l'installa sur le petit divan du salon, une pièce étroite aux membres tendus de velours bleu, à côté de la salle à manger. Mais il avait le sommeil agité et chaque nuit faisait glisser par terre draps et couvertures. Très rapidement la beauté déclara à la femme de chambre :
— C'est épouvantable, il va m'abîmer tout le velours du divan. Nastia, vous lui ferez un lit par terre avec le petit matelas que je vous avais demandé de ranger dans le grand bahut de feu Madame, dans le couloir.
Alors le petit garçon qui n'avait plus personne au monde, s'enferma dans une vie complètement indépendante, entièrement isolée du reste de la maison, une vie silencieuse, imperceptible, chaque jour plus solitaire. On peut le voir, docilement installé dans un coin du salon qui dessine des petites maisons sur une ardoise, ânonne tout bas sur le même livre d'images que lui avait acheté sa maman, construit une voie ferrée avec des boîtes d'alumettes et regarde par les fenêtres... Il dort par terre entre le divan et un palmier en pot. Le soir, il fait son lit tout seul et c'est lui qui le roule soigneusement et le range le matin dans le bahut de sa maman au fond du couloir ; là où il cache tous ses autres petits biens.
L'idiote
Citation:
Un séminariste, fils de diacre, était venu passer les vacances dans le village de ses parents et là, une nuit, la chair violemment tourmentée, il s'éveilla dans l'obscurité étouffante et resta un peut étendu à exciter davantage encore son imagination : pendant la journée, au moment du déjeuner, caché dans les roseaux qui bordent l'anse de la rivière, il avait observé les filles qui, revenues des champs, s'étaient débarrassées de leurs chemises, dévoilant la blancheur de leur corps en sueur, avant de se précipiter dans l'eau étincelante sous le soleil, la tête rejetée en arrière, le dos cambré, parmi les rires et les bruits ; n'y tenant plus, il se leva et se glissa dans l'obscurité à travers l'entrée jusque dans la cuisine surchauffée, où il y faisait noir comme dans un four, chercha à tâtons la couche de la cuisinière, une pauvre fille sans famille — une idiote, disait-on — qui eut si peur qu'elle ne poussa pas même un cri. Il resta avec elle pendant tout l'été et lui donna un petit garçon qui grandit auprès d'elle dans la cuisine. Le diacre et sa femme, le curé et tous ces gens, la famille du boutiquier, l'officier de police et son épouse, tout le monde savait qui en était le père, et le séminariste, quand il venait en vacances, ne voulait pas voir ce gamin, tant il était furieux et honteux de son passé : il était allé avec une idiote !
Quand il eut achevé ses études — "brillamment", comme se plaisait à répéter le diacre — et qu'il revint passer l'été chez ses parents avant d'entrer à l'Académie de théologie, on profita de la première fête pour recevoir, et s'enorgueillir du futur académicien. Les invités s'entretinrent à leur tour de son avenir brillant en prenant le thé et en goûtant aux différentes confitures ; le diacre, tout content, alors que la conversation battait son plein, remonta le phonographe dont le murmure se transforme peu à peu en hurlement. On se tut et, le sourire ravi, on écouta la mélodie entraînante de "En marchant sur les pavés" lorsque, soudain, le fils de la cuisinière déboula dans la pièce et dansa maladroitement, en tapant des pieds à contretemps ; c'était sa mère, qui pensait ainsi attendrir tout le monde, lui avait soufflé à l'oreille : "Va, mon petit, va danser." La surprise décontenança l'assemblée, le fils du diacre, lui, devint écarlate, se rua comme un fauve sur le petit et le jeta hors de la pièce avec une telle force que l'enfant alla rouler dans l'entrée, comme une toupie.
Le lendemain, cédant à ses exigences, le diacre et sa femme renvoyèrent la cuisinière. C'étaient des gens pleins de bonté, compatissants et ils s'étaient bien habitués à elle, l'appréciant pour son humilité et son obéissance ; ils s'étaient donc employés à obtenir sa grâce auprès de leur fils. Mais celui-ci était resté inflexible et ils n'osèrent pas lui désobéir. Le soir, la cuisinière prit son balluchon d'une main, son petit garçon de l'autre et, pleurant doucement, quitta la maison.
Pendant tout le reste de l'été, ils allèrent de villages en hameaux, en demandant l'aumône. Les vêtements élimés, en loques, la peau tannée par le vent et le soleil, elle n'avait plus que les os et la peau, mais ne cédait pas à la fatigue. Un grand bâton lui servait de canne, elle continuait à marcher pieds nus, un sac de toile à l'épaule et dans les villages et les bourgs s'inclinait silencieusement devant chaque maison. Le petit garçon la suivait, son baluchon au dos comme elle, chaussé de ses vieux souliers à elle, déformés et racornis, comme ces vieilles chaussures qui traînent au fond des ravins.
Il était affreux. Le crâne long et aplati, hérissé de cheveux rouges et drus comme des poils de sanglier, il avait un nez épaté, des narines larges et des yeux noisettes petits et brillants. Mais quand il souriait, il était gentil tout plein.
C'est pas juste... C'est pas juste...
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Merci beaucoup pour ce partage Pang Tong! Ca a l'air très intéressant comme livre.
Je ne m'y connais pas beaucoup en littérature russe, mais j'ai quand même lu :
- La métamorphose (Kafka, quoique je ne sois même pas tout à fait sûr qu'il soit russe...)
- La montre (Tourgueniev)
- Crime et châtiment (Dostoïevski)
- Anna Karenine (Tolstoï) : + de 1000 pages! Même pas peur...
Non, Kafka (j'ai également lu La Métamorphose, j'avais beaucoup aimé, c'était à la même époque où j'avais découvert le film La Mouche de David Cronenberg, plus ou moins dans le même thème) était austro-hongrois et il écrivait en allemand. ^^
Hello, les gens,
Pour l'instant, je lis "Sans famille" d'Hector Malot; c'est fou comme le roman rush ce qui dure des tonnes d'épisodes dans l'anime.
Je lis en parallèle "L'Amérique" de Franz Kafka.
Dernière critique : Le comte de Monte-Cristo
Mon Twitch
Pour tous ceux qui aiment les histoires de fantômes, je ne saurais que trop vous conseiller Le Tour d'écrou de l'écrivain américain Henri James (1843-1916).
Une fois n'est pas coutume, je vous livre le quatrième de couverture qui explique bien tout le nœud du roman :
C'est la deuxième fois que je lis ce court roman, la première lecture se situant approximativement vers mes 16-17 ans. Ce qui est assez amusant c'est que si j'ai retrouvé pas mal d'images de la première lecture lors de la seconde, les interprétations sont complètement différentes. Vous avez compris que Henri James s'amuse à rester ambigu tout au long de son histoire et on ne saura jamais réellement si fantômes il y a ou s'il ne sont que les manifestations des délires de l'institutrice...
Lors de la première lecture, j'aurais défendu la thèse des fantômes ; aujourd'hui, je penche plutôt pour les fantasmes de cette jeune femme. Quoi qu'il en soit, l'œuvre est rondement ficelée et qu'on croit ou non aux fantômes les scènes dans lesquelles ils apparaissent sont saisissantes par les frissons qu'elles inspirent.
Petit extrait pour vous donner un aperçu de la maîtrise technique du maître qui montre toute l'ambiguité du texte :
Bonne lecture !
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Si ça t'intéresse il y a un excellent film qui a été adapté du bouquin : Les Innocents de Jack Clayton (1961) ^^
Sinon pour revenir au sujet du topic, en ce moment je lis La Maison des Feuilles et, euh... comment dire ?
C'est vraiment très intéressant cette façon qu'à l'auteur de jouer avec l'aspect formel du texte, surtout que ça soutient totalement l'histoire (ça parle d'une famille qui découvre une pièce qui n'est pas censée exister dans leur maison et il s'avère que cette pièce donne sur tout un labyrinthe au coeur de la maison).
C'est assez difficile de résumer le livre mais disons qu'il joue énormément sur notre perception du réel en créant de fausses références littéraires, de fausses annotations de l'éditeur, de fausses annotations du traducteur, etc.
Le tout sous la forme d'une analyse très sérieuse d'un documentaire à propos de ladite maison qui serait sorti il y a quelques années, aurait été présenté dans divers festivals mais serait tombé dans l'oubli depuis... documentaire qui n'a évidemment jamais existé... à moins que..?
Le bouquin peut-être assez déstabilisant à lire mais il n'en reste pas moins très intéressant et totalement unique ^^
Team Mimic en ostryer de Vriginie
"All those moments will be lost in time, like tears in rain."
You gain brouzouf
My legs are ok
Ah ben écoute, je vais aller le chercher alors. Curieux de voir ce que ça donne ^^
En ce qui concerne la Maison de Feuilles, j'en ai entendu parlé. Pas si facile à lire que ça en effet même si ça doit bien être unique comme tu le dis ^^
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Je l'ai justement ajouté à ma liste de lecture récemment :)
Dernière critique : Le comte de Monte-Cristo
Mon Twitch
C'est chouette, tu m'en diras des nouvelles ;-)
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Un roman d'un auteur que j'ai déjà évoqué ici même : Seul dans Berlin de Hans Fallada (1893-1947).
L'histoire débute en mai 1940, alors que l'Allemagne fête les victoires allemandes lors de la campagne de France. Mais si la ferveur nazie trouve son paroxysme de façade, misère et terreur prennent la plus grande place dans la société allemande. Le lecteur suit le quotidien d'un modeste immeuble berlinois dans lequel persécuteurs et persécutés y cohabitent : Frau Rosenthal, juive, dénoncée et pillée par ses voisins ; la famille Persicke, dont les enfants font partie des SS, qui terrorise les habitants de l'immeuble ; les époux Quangel qui, après avoir reçu la nouvelle de la mort de leur fils pendant cette même campagne de France, décide de résister et d'inonder Berlin de tracts contre Hitler avant de se faire attraper...
J'ai beaucoup aimé ce roman. Fallada parvient avec des mots simples à dépeindre des caractères, des psychologies de personnages assez variés. De même, il arrive à rendre une ambiance mortifère dans laquelle tout le monde à peur à un moment où à un autre. C'est bien de la tyrannie dont il est question ici. Personne n'y réchappe et tout le monde la subit, la plupart du temps en silence. Pas de grands héros, juste des gens ordinaires comme vous et moi. C'est un roman assez dur, plusieurs passages sont assez tristes en effet. Tristes et révoltants, j'aimerais ajouter. Enfin, le livre nous permet de voir une Allemagne nazie plus complexe que ce qu'on a l'habitude de vouloir imaginer. Tous nazis ? Non, bien sûr. Tous résistants ? Non plus. Mais beaucoup de peur et de mensonges, de lâcheté aussi, il faut le reconnaître, et surtout, après tous les malheurs traversés, un infime espoir. Un espoir qui ne réparera pas les horreurs passées, non, mais qui permettra à la vie de continuer malgré tout.
La deuxième partie du roman est la plus pénible car on entre dans les cachots nazis dans lesquels toutes les atrocités sont permises...
Un extrait assez saisissant, je préviens les plus sensibles, c'est une vision d'horreur :
Juste l'horreur...
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
À tous ceux qui aiment la littérature russe, je peux proposer aujourd'hui Les allées sombres d'Ivan Bounine (1870-1953), premier Russe à obtenir le prix Nobel de littérature.
Ce recueil est composé de 38 nouvelles de tailles variées — de 2-3 pages à 40 plus ou moins. Le sujet, c'est une chose assez simple tout en étant assez complexe puisqu'il s'agit de parler de trois choses qui nous entourent : l'amour, la mort et la femme.
D'amour, il en est beaucoup question. Cependant, ce n'est pas l'amour à l'eau de rose dont il est question ici. C'est l'amour vrai, c'est l'amour vache, c'est l'amour destructeur parfois... L'amour qui conduit au suicide de certains personnages, l'amour emplit d'illusions, l'amour violent. Il n'est pas question ici d'encenser ni les femmes, ni les hommes ; le but est d'évoquer la question de l'amour dans toutes ses facettes : de la plus belle à la plus brutale.
De mort, vous l'aurez compris, qu'il en est également question. Eros et Thanatos sont souvent étroitement liés. Il y a d'ailleurs une fascination morbide pour cette thématique qui nous fascine autant qu'elle nous révulse.
De la femme... Peut-on encore aujourd'hui avoir le droit d'essayer d'écrire sur elle ? Je pense que oui car en parlant de la femme, on parle de l'homme dans le même temps ; de l'homme et des interactions entre les deux sexes. Les hommes ne sont pas épargnés dans ces nouvelles, les femmes non plus. Elles ne sont pas tout le temps des êtres faibles et fragiles, des victimes d'hommes-bourreaux. Certaines, victimes, le sont, d'autres peuvent se montrer cruelles...
La langue de Bounine est très élégante, fine et délicate. En peu de mots, l'écrivain arrive à nous faire ressentir, plus que des émotions, l'atmosphère de la scène qu'il d'écrit. Les descriptions sont réussies, nous voyons les paysages s'étaler sous nos yeux. C'est un réel plaisir de lire cette œuvre sans compromission.
Ce que j'ai préféré, dans ces nouvelles, ce sont les courtes, voire les très courtes. Je vous en présente deux dans leur entièreté qui ont fait verser à mon cœur des petites larmes de sang :
Une beauté
L'idiote
C'est pas juste... C'est pas juste...
"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)
Merci beaucoup pour ce partage Pang Tong! Ca a l'air très intéressant comme livre.
Je ne m'y connais pas beaucoup en littérature russe, mais j'ai quand même lu :
- La métamorphose (Kafka, quoique je ne sois même pas tout à fait sûr qu'il soit russe...)
- La montre (Tourgueniev)
- Crime et châtiment (Dostoïevski)
- Anna Karenine (Tolstoï) : + de 1000 pages! Même pas peur...
Let my beauty intoxicate you
Non, Kafka (j'ai également lu La Métamorphose, j'avais beaucoup aimé, c'était à la même époque où j'avais découvert le film La Mouche de David Cronenberg, plus ou moins dans le même thème) était austro-hongrois et il écrivait en allemand. ^^