[Jeu/Découverte] - TriMovies le Renouveau

Alex De la iglesia est vraiment un réalisateur que j'apprécie beaucoup et je n'ai jamais été déçu par l'un de ses films, là encore j'ai passé un bon moment.

C'est bizarre car on a évoqué il y a peu son rapport aux femmes suite aux sorcières de zugarramurdi, et je me suis aperçu que déjà dans ce film il y avait quelques prémices à ses futurs déboires, notamment les scènes de demandes en mariage télévisées en mode surprise sur prise et le calvaire qu'il va subir avec sa nouvelle bien aimée.

Comme d'habitude le réalisateur profite de son histoire pour glisser quelques critiques sur la société, à l'instar de Jour de chance il pointe du doigt la télé réalité (avec les scène de demandes en mariages) ou encore le monde de la vente avec tout le début du film ou il iconise son perso principal tout en prenant soin de le rendre ridicule.
L'acteur est d'ailleurs très bon, tout comme l'actrice que j'ai trouvé délicieuse avec son apparence atypique et son côté déjanté, suivie de près sur ce point par sa famille avec une mention spéciale pour sa petite soeur de 8 ans, capable de balancer à table qu'elle est enceinte de 3 mois parce que violée par son prof de sport ou de poursuivre ses parents avec une seringue en leur disant qu'elle a le sida, j'ai adoré.

J'aime bien le côté burlesque de ces films et là j'ai encore été servi, les apparitions de son collègue mort son assez stylées et on s'aperçoit que son gout pour les clowns ne s'arrêtaient pas à Ballada triste.

Bizarrement ce n'est pas le dernier tiers du film (consacré au crime "farpait" à proprement parlé) que j'ai préféré, ça serait là l'un des seul bémol, bien que la toute fin soit assez réussi.

Bref je le conseille à tout ceux qui aiment le réal.
Romano, bah du coup j'aurais mis 7 à tes 3 films, ce ne sont pas des tueries mais pour sur de bons films qui font passer un agréable moment. Ty.

Coup de Tête:

C'est un film de Jean-Jacques Annaud, dans un style complètement différent de tous les autres films que j'ai vus du réalisateur (Le Nom de la Rose, Le Dernier Loup, L'Ours, Sept Ans au Tibet, Deux Frères - j'en ai vu pas mal en fait!), au point que je ne reconnais pas du tout son style. Par contre, ça ressemble énormément à un film de Francis Veber, vu que c'est lui qui a fait le scénario, et on reconnaît tout à fait son style, et l'archétype du héros François Perrin qu'on retrouvera par la suite dans La Chèvre. Mais cette fois, au lieu d'avoir Pierre Richard (ou Jacques Brel), c'est Patrick Dewaere qui incarne le rôle de François Perrin, un jeune footballer tête brûlée et têtu jouant pour l'équipe de la ville de Trincamp.

Pour avoir poussé le footballeur vedette Berthier sans avoir enfreint les règles et sans que ce dernier ait été blessé, celui-ci a convaincu son patron de le virer du club de football. Par effet boule de neige, François Perrin se fait également virer de son boulot, vu que le patron du club est aussi le patron de l'usine où il bosse. Par fierté, il enlève ses vêtements de travail devant son patron en disant qu'ils lui appartiennent, avant de lui lancer qu'il lui enverra son slip par la poste!

Après avoir vivoté à travers des petits boulets, Perrin se fait également virer de son bistrot où se réunissent tous les supporters de l'équipe de foot de Trincamp, là encore à cause de Berthier qui l'a provoqué. Et comme si les choses ne pouvaient pas aller plus mal, Perrin se fait arrêter et incarcérer en endossant un crime qu'il n'a pas commis, à savoir la tentative de viol envers une femme... commis encore une fois par Berthier. A ce propos, des membres de la direction de l'équipe de foot ont reconnu Berthier le soir de l'agression, mais ils ont préféré faire un faux témoignage à l'encontre de Perrin, tandis que la police a poussé la victime à reconnaître que c'est Perrin qui l'a agressée alors qu'elle n'était pas sûre d'elle (il faisait nuit, et Perrin et Berthier se ressemblent un peu physiquement).

Bref: VDM pour François Perrin. Mais la vie réserve beaucoup de surprises aux gens, et ce dès l'introduction du film qui met directement en scène Perrin comme le héros de la ville de Trincamp pour avoir mené son équipe de foot à la victoire, scène durant laquelle Perrin dit "Aujourd'hui, je suis le héros et tout le monde m'aime, mais hier ce n'était pas du tout le cas", donc tout ce que j'ai décrit plus haut est en fait un gros flashback, afin de comprendre comment Perrin est passé de paria à héros de sa ville. En vérité, durant son séjour en prison, son club de football de Trincamp va remporter pas mal de victoires et devenir une grosse équipe nationale, jusqu'au jour où l'équipe de Trincamp est victime d'un accident de bus avec plusieurs joueurs hors jeu. Par pur intérêt, les dirigeants du club négocient avec la prison pour libérer Perrin pendant un jour afin qu'il joue dans cette équipe de foot: c'est l'ironie du sort. Evidemment, Perrin n'est pas dupe et est tout à fait conscient qu'on se sert de lui et qu'on le jettera à nouveau comme une vieille chaussette quand ils n'auront plus besoin de lui. Entretemps, il va rencontrer la femme qui avait été victime de la tentative de viol pour lui demander des comptes.

J'ai franchement adoré ce film, qui est mon coup de coeur de la sélection. Cela tient beaucoup à la performance des acteurs, en particulier Patrick Dewaere, mais aussi à tous les seconds rôles cyniques (comme le patron de l'usine). Le ton du film est résolument irrévérencieux, cynique, grinçant, ne mâchant pas ses mots sur les magouilles des notables et leur hypocrisie sans nom pour faire tomber leur "mouton noir" (Perrin), et le film aborde avec ironie le va-et-vient du statut d'une personne, qui peut très rapidement devenir un paria pour ensuite devenir un héros ou inversement redevenir un paria. Mais ces thématiques sont abordées de manière intelligente, avec un ton encore une fois très irrévérencieux, des dialogues savoureux franchement bien écrits.

Exemple de dialogue vers le début du film, quand Perrin raconte sa vie au cours d'un passage particulièrement jouissif:

"Moi aussi j'ai beaucoup voyagé pendant ces quelques mois de chômage. Je connais bien l'Afrique maintenant. Avec un balai et sans quitter Trincamp, j'ai découvert le Sénégal, le Togo, le Mali, le Tchad. Le nombre de tribus que j'ai pu croiser! J'en arrivais à me demander ce que faisaient les missionnaires dans la brousse, alors qu'il y a tant de boulot dans le caniveau. Oui, j'ai beaucoup voyagé. J'ai fait l'Afrique Noire dans la voirie, l'Afrique du Nord dans les travaux publics, l'Île Maurice et les Antilles dans les restaurants, à la plonge. Je suis allé là où l'homme blanc ne s'aventure plus, et tout ça sans passeport, avec seulement une carte de chômeur."

Moi j'adore franchement, c'est fin, bien écrit, c'est tout à fait le style d'écriture auquel j'adhère! Et tout le film est dans ce ton-là. Je retiens aussi une scène mémorable dans un camion où, pour tenir éveillé le chauffeur routier qui a roulé toute la nuit, Perrin lui raconte son projet de viol auprès de celle qui l'a fait plonger dans la prison par un faux témoignage et en lui demandant de le déposer dans la villa où elle habite: c'était assez énorme et surréaliste!

Donc oui, par la force des choses, et en marquant deux buts contre l'équipe d'Auxerre, Perrin va devenir le héros de la ville, au point que tous ceux qui l'ont plongé vont être obligés de l'acclamer, parce qu'il est "intouchable jusqu'au prochain match". Il pose pour des pubs de voitures de luxe, il dédidace également des ballons de football, et on l'installe dans le luxueux Hôtel Napoléon et sa belle suite nuptiale.

C'est alors que Perrin veut mettre au point son stratagème pour se venger de tous ceux qui l'ont fait plonger et qui n'attendent que la première occasion pour le replonger à nouveau une fois sa popularité disparue, hypocrites qu'ils sont. J'ai trouvé toute la dernière partie du film jouissive au possible, prenant une tournure finalement imprévue, avec un François Perrin plus charismatique, fin, intelligent et malin que jamais, et incarné par un Patrick Dewaere au sommet de sa forme, souvent habitué à jouer ce type de rôle de l'homme impulsif, tête brûlée, colérique, mais en même temps tendre et sensible.

J'ai adoré la scène du restaurant, avec encore une fois une réplique excellente de François Perrin, avec un verre dans le nez:

"Moi je lève mon verre, à la plus formidable bande de salopards que j'aie jamais rencontrée! Je lève mon verre au tas d'ordures qui m'entoure: il y a de quoi remplir une sacrée poubelle!"

Hmm, la belle bande de salopards que voilà!

Encore une fois une écriture remarquable, et forcément, à partir de là, on est à fond pour François Perrin, et il est très facile de se reconnaître complètement dans son rôle et à s'identifier à lui! De même, quand il sera avec la femme du président de l'usine, je n'en dis pas plus, mais il va encore balancer une réplique énorme et culte, à l'image de toute la dernière partie du film.

Le film préfigure également un peu Les Fugitifs de Francis Veber, vu que le rôle de François Pignon incarné par Pierre Richard ressemblera un peu à celui de François Perrin dans Coup de Tête, et abordant également le thème de la précarité d'un individu qui n'arrive pas à joindre les bouts et dont la vie va basculer en un instant.

Un mot également sur la bande-son, pour dire que le thème principal signé Pierre Bachelet est génial, à la fois simple, décalé et très entraînant avec ses sifflements, permettant en plus de restituer l'ambiance du film à la fois désinvolte, ironique et cinglant.

Je ne sais pas si aujourd'hui en France on serait capable de sortir à nouveau un tel film qui se montre aussi irrévérencieux et cinglant envers la société, le statut social fragile d'un homme, sans tomber dans la lourdeur ou le pathos mais faisant preuve au contraire d'une certaine finesse dans l'écriture des dialogues et les personnages. Mais toujours est-il que c'est un film qui aborde de front cette chienne de vie qu'on peut subir, les injustices, la révolte intérieure, l'hypocrisie de la société qui cherche toujours à avoir des moutons noirs et des héros dont le statut est également fragile, les magouilles de tous les notables, et finalement le combat d'une victime qui a sa fierté, veut simplement vivre sans qu'on le fasse chier et se révèle beaucoup plus fort, charismatique et intelligent que toutes les personnes qui l'ont traîné dans la boue. Il est ainsi très facile de s'identifier au rôle tenu par Patrick Dewaere complètement investi dans ce film, vu que la vie est faite d'injustices, mais que la roue peut toujours tourner à un moment ou à un autre. C'est ce genre de film qui me rappelle ce que je peux adorer dans le cinéma français et qui me manque terriblement dans le cinéma français actuel. Et Patrick Dewaere était décidément un grand acteur (l'une des vedettes du film Les Valseuses avec Depardieu), qui nous a quittés beaucoup trop tôt.