Fastefoode, c'est l’histoire d’un fast-food (tiens donc?) présentant ce qu’il y a de pire en matière d’hygiène et de marketing. Le chef Roland et son acolyte sont prêts à vous accueillir, mais c’est à vos risques et périls. Viandes animales aux origines discutables, menus bios réalisés à partir des restes, jouets non adaptés et à caractère sexuel distribués dans les menus enfants... bref, les griefs pour se plaindre sont nombreux. Mais l’équipe de Fastefoode n’est plus à un procès près...
Le scénariste Jorge Bernstein (La bureautique des sentiments, Space Serenade...) et le dessinateur Pluttark (oeuvrant sous son vrai nom Rudy Spiessert pour le journal de Spirou), s’attaquent à l’univers de la malbouffe. Au travers de strips et de quelques gags en une page, ils s’appliquent à mettre en place un humour sans concession, trash et irrévérencieux. Bernstein avoue d’ailleurs avoir puisé son inspiration humoristique dans la série Paf et Hencule de Goupil Acnéique et Abraham Kadabra. L’humour est bien gras comme les frites, et si parfois il frise l’indigestion, il sait tout de même faire mouche et nous faire rire. Le trait simple, sans prétention mais néanmoins efficace de Pluttark colle parfaitement au fond et à la forme. Et derrière les gags se cache une critique acerbe de la restauration rapide, du marketing et de la politique de management en présentant de manière exacerbée leurs travers et leurs abus.
La prochaine fois que vous irez dans un fast-food, il est plus que probable que vous regardiez votre cornet de frite d’un autre oeil...
Fini le cinquième et dernier tome de Mutafukaz par Run.
Les humains de Dark Meat City réussiront-ils à repousser l'invasion des Machos, ces extra-terrestres nés de l'anti-matière? Quel sera le destin de Vinz et Lino, les deux loosers télescopés dans cet immense complot ayant pris des proportions démentes? Les réponses dans cet ultime volume de la série!
La grande force de Mutafukaz, c'est son univers. Pour faire simple, on pourrait le décrire comme un croisement hybride entre le jeu vidéo GTA San Andréas, le film District 109, la lucha mexicaine et les magazines Pulp américains des années 50. Et de multiples autres références jalonnent le récit, mettant ainsi en place un univers atypique et unique où on prend un plaisir fou à replonger. Le traitement de l'histoire est toujours aussi éclaté, hallucinatoire avec de nombreux flashbacks, passant de la colorisation à du noir et blanc ou de la bichromie, avec du papier mat, du papier glacé, des pubs, des dossiers et des faux articles de journaux. Un joyeux bordel qui est cependant d'une incroyable cohérence et qui enrichit encore un peu plus l'univers et ce format "patchwork" assumé.
Mais si le forme claque toujours autant et a un cachet terrible, qu'en est-il du fond? C'est un peu ici que le bât blesse. Après 10 ans, la série, qui pourtant était partie sous de bons hospices, retombe comme un soufflet. L'auteur semble s'être un peu perdu en chemin, rame quelque peu pour donner une conclusion satisfaisante à la série. Les évènements se précipitent un peu, sont plutôt prévisibles et paraissent inachevés. J'ai personnellement eu une pointe de frustration à la fin de la lecture et je n'ai pu m'empêcher de penser: "Alors tout ça pour ça?".
Reste quand même une bande dessinée malgré tout plaisante, qui pète dans sa réalisation mais au potentiel malheureusement sous-exploité.
Un film est apparemment en cours de préparation et devrait sortir en 2017. Cela vaudra certainement le coup d'y jeter un oeil, d'autant plus que le studio chargé de sa réalisation est l'excellent studio 4°C (Amer Béton).
Eloïse, passionnée de cinéma, rentre en tant que femme de chambre au service d'un magnat du cinéma, un riche producteur répondant au nom de Luis Krell, dit Leomidas, dit le Nabab, dit le grand K. L'homme est également appelé "L'accessoiriste" en raison de ses débuts modestes dans l'industrie du cinéma et de sa grande collection d'objets, costumes et décors de cinéma. Mais l'univers de Luis Krell est étrange, et Eloïse s'interroge sur l'homme et sur la manière dont un simple accessoiriste a pu devenir un nanti mégalomane.
Ce n'est pas la première fois que François Deflandre met en scène Eloïse, cette femme de chambre voyageant de palais en châteaux et tenant un journal de bord sur les agissements des maîtres des lieux. Après Puzzle Gothique en 2009 et Le cercle des Spectres en 2012, L'accessoiriste est la troisième aventure de cette héroïne moderne.
Le décor de ce nouvel opus est posé dans un univers fantasmagorique et fascinant, celui d'un homme mégalomane ne se refusant rien et mêlant dans son château appelé "Krelland" illusion et réalité. Le lecteur, tout comme l'héroïne, perd complètement le sens des réalités dans ce temple dédié au 7eme Art. D'autant plus que le personnage de Krell, énigmatique et inquiétant, cache bien des choses dans ce monde d'artifice qu'il s'est forgé. Les évènements prendront aussi une tournure inattendue et fantastique qui ne manquera pas de déstabiliser le lecteur.
Deflandre maîtrise cependant parfaitement sa narration et distille les éléments mettant le lecteur, par le prisme de l'héroïne, sur la voie de la vérité. L'écriture du journal d'Eloïse est d'un style agréable et intelligent, se lisant avec plaisir. Le dessin, faussement naïf et réalisé sur des pages grises, tire vers le rouge ainsi que vers les couleurs sombres, donnant un côté polar à son récit. La mise en scène, au découpage cinématographique et aux références aussi nombreuses que variées au cinéma appuie l'hommage vibrant que fait l'auteur au 7eme Art.
Bref, L'accessoiriste est une oeuvre astucieuse aussi riche qu'intelligente qui ravira aussi bien les cinéphiles que les bédéphiles et prouvant encore une fois que ces deux univers ne sont pas si éloignés.
Seule ombre au tableau, le récit est un peu trop court, et on aurait aimé voir l'histoire et cet univers incroyable se développer encore un peu plus.
L'auteur a lui-même mis en scène la bande-annonce pour la promo de sa bd que voici:
Lu Crève Saucisse de Simon Hureau et Pascal Rabaté.
Je reprends le résumé à l'arrière du livre qui est particulièrement savoureux: "Quand on fait des cornes à un boucher, faut pas s'étonner de passer de l'état de client à celui de marchandise".
Crève Saucisse, c'est l'histoire désespérément commune d'un homme à qui sa femme fait cocu avec son meilleur ami. A ceci près que l'homme, boucher de son état, est au courant et a fermement l'intention de se venger. Il va mettre lentement en place le crime parfait. Pas très original dans le propos et vu et revu. Mais il faut quand même avouer que Hureau et Rabaté dépeigne parfaitement le passage à l'acte de ce pauvre boucher. Le quotidien, émaillé de frustration et de colère, transforme petit à petit cet homme affable, au demeurant fort sympathique, en meurtrier de sang froid. Car la force du livre est de nous présenter Didier (le boucher donc), comme un père de famille exemplaire, travailleur, affable, amateur de bd et aux petits soins avec son épouse. Le tableau dressé de ce personnage ordinaire nous le rend sympathique pour ensuite démontrer avec brillance et éclat comment n'importe qui peut soudainement basculer vers l'indicible s'il se sent acculé et poussé à bout. Le trait lisible et tout en simplicité de Hureau ferait presque penser à un album jeunesse et souligne encore un peu plus la sympathie envers le personnage.
Une bande dessinée sans prétention donc, mais qui autopsie avec minutie le pourquoi du comment d'un fait divers passionnel. A noter au passage un petit hommage à une série culte du 9ème art, Gil Jourdan de Maurice Tillieux, dont l’album La voiture immergée inspire au héros son plan de vengeance machiavélique.
Lu Traquemage Tome 1: Le serment des Pécadous de Lupano et Relom.
Pistolin est un berger vivant dans un petit village de montagne et produisant des fromages Pécadous. Lorsque son troupeau de Cornebique est entièrement décimé à cause de la guerre des mages, Pistolin fait un serment: débarrasser le royaume des 5 mages qui se font une guerre sans merci et qui tuent le petit commerce. Accompagné de sa dernière cornebique répondant au doux nom de Myrtille, il part sur les routes afin de débuter sa quête. Sa rencontre avec Pompette, une fée alcoolique et maladroite va le mener sur la voix. Serait-il le "Traquemage"? L'élu?
Traquemage est un récit se réappropriant avec humour les codes de l'heroic fantasy pour devenir un genre nouveau: la rural fantasy fromagère. La combinaison des géniaux auteurs Lupano (Les vieux fourneaux, Ma révérence, Sept Nains...) et Relom (Andy et Gina qui est une des séries les plus drôles du catalogue Fluide Glacial) est très excitante sur le papier, mais reste plutôt décevante dans la réalité. Personnellement, j'en attendais plus et je reste un peu sur ma fin pour ce démarrage en demi-teinte. L'univers, l'histoire et l'humour employé sont finalement assez conventionnels malgré l'originalité prônée et si les personnages anti-héros sont attachants, ils manquent pour le moment d'un peu de relief.
Attention, ce premier tome de Traquemage est cependant loin d'être mauvais et reste une lecture très divertissante sur laquelle on prend un plaisir certain. Mais les deux auteurs, chacun de leur côté, nous avait habitués à mieux. D'où cette pointe de déception. Reste à voir comment l'histoire évoluera.
Nouveau tome de la série d'horreur à la française. 3 nouvelles histoires courtes oscillants de 30 à 40 pages et réalisées par des auteurs différents sous le chapeautage bienveillant de Run (l'auteur de Mutafukaz et directeur de publication chez le Label 619).
Les histoires rendent hommages au genre horrifique, à la série B et à des réalisateurs tels que Carpenter ou Rob Zombie dans une ambiance Creepshow. Elles s'inspirent souvent de faits réels et de légendes populaires venant de tout pays. Si fatalement on préfère toujours certains auteurs ou dessinateurs, le tout est plutôt homogène et d'excellente facture car cela reste incroyablement jouissif et divertissant. Des dossiers assez complet viennent souvent s'ajouter aux histoires pour expliquer le fait divers ou la légende urbaine qui a inspiré l'histoire. Un OVNI dans la production bd française qui, si elle pourra laisser indifférents certains de par ses références au cinéma de genre horreur, se révélera être une bonne claque dans la gueule pour tous les autres.
Tomsk-7 est un recueil de huit histoires courtes. Toutes prennent place dans un univers de béton où les personnages rêvent d'évasion.
Lorsqu'on referme Tomsk-7, on se demande ce qu'on vient de lire. L'originalité et la sensibilité profonde de Zezelj éclate à chaque page. Le trait en noir et blanc est d'un incroyable esthétisme, avec des contrastes et un encrage marqués, et qui dépeint un univers où les personnages tentent d'échapper à leurs conditions de manière poétiques et oniriques. C'est très sombre, parfois souvent noir, mais sans être dénué d'espoir et la symbolique prend une place importante. Un simple oiseau qui s'envole devient ainsi une incroyable bouffée d'oxygène et d'espoir dans un monde anxiogène et étouffant. L'urbain et la poésie se côtoient de manière intime, imprégnant le récit d'une atmosphère étrange et fantasque.
Beaucoup n'apprécieront sans doute pas, mais Tomsk-7 a le mérite d'être engagé tant sur le fond que sur la forme, et ne laissera pas indifférent.
Lu Sur les routes de France (1952/1954) de Pierre Fournier.
En 1952, Pierre Fournier a quinze ans et raconte sur des carnets de dessin ses vacances avec ses parents et ses deux soeurs. A bord d'une Renault Primaquatre du début des années 30 surnommée Caroline, Pierre et sa famille sillonne les routes du Sud de la France, couchant le plus souvent dans une tente au bord du chemin. Le jeune garçon décrit ainsi une France encore majoritairement rurale, dénuée de toute urbanisation et rapportant le quotidien du campeur français moyen dans ces années d'après-guerre au travers de nombreuses anecdotes.
Pierre Fournier est un des père fondateurs de l'écologie en France. En 1972, après avoir participé activement à la fin des années 60 en tant que dessinateur et chroniqueur aux célèbres revues Hara-Kiri et Charlie Hebdo, il fonde son propre journal mensuel La gueule ouverte. Pierre Fournier se fait alors surtout connaître pour ses positions farouchement anti-nucléaires et pour sa dénonciation des ravages de l'industrie moderne dans la société contemporaine. Il meurt malheureusement l'année suivante, en 1973. Sur les routes de France est donc la première oeuvre, le premier reportage du futur écologiste. Déjà, on sent à travers les dessins et la culture familiale, un attachement à la terre, à la tradition. On peut voir des curés jouant à la pelote basque, des baignades dans des rivières, du camping sauvage... Pierre Fournier nous raconte l'un des premiers road trip jamais répertoriés de façon tendre et humoristique. Le trait est naïf et se cherche, il n'a que quinze ans, mais il possède une spontanéité, une fraicheur et déjà une certaine identité qui rend ces vacances somme toute ordinaire très touchantes. On a l'impression que le petit Nicolas, le célèbre personnage de Gosciny et Sempé, a pris vie. Un document assez précieux, car il est assez rare, surtout pour l'époque, de voir le style d'un dessinateur en pleine maturation, en pleine mutation. L'enfant, par le biais du dessin sort de sa chrysalide pour se transformer en adulte et en dessinateur au style assumé et accompli.
Quelques clichés d'époque, présentant la famille Fournier, sont également présents dans l'album, conférant ainsi à l'oeuvre un goût de nostalgie, d'insouciance et de véracité encore plus vivace.
Trois voleuses spécialisées dans la subtilisation d'oeuvres d'art et répondant aux doux noms de Alex, Carole et Sam, doivent voler trois tableaux, dont le célèbre Olympia de Manet, réunis dans une exposition à Paris. Elles ont mis en colère les mauvaises personnes, et ce vol est leur dernière alternative pour sauver leurs vies.
Cet album est la suite de La Grande Odalisque par les mêmes auteurs et sorti en 2012. Référence assumée à Cat's Eyes, la célèbre série de Tsukasa Hojo, les trois voleuses possèdent leurs propres caractéristiques et leurs personnalités bien distinctes, les rendant d'emblée attachantes. Pour ce deuxième volume, tout est mieux maîtrisé que le premier, qui était plutôt bon, mais restait somme toute assez commun. Les dessins de Vivès sont au top, le rythme est maîtrisé de bout en bout, le suspense est haletant et cerise sur le gâteau, c'est drôle. L'album enfonce littéralement son grand frère, et c'est tant mieux! Une bande dessinée qui reste accès sur le divertissement et l'action, mais elle le fait avec un tel brio, qu'une fois l'album fini (d'une traite!), on se prend à espérer de nouvelles aventures de nos trois voleuses.
Lu XIII Mystery tome 9: Felicity Brown de Rossi et Matz.
Ce nouvel album de la série XIII Mystery s'arrête sur le destin de Felicity Brown, la belle-mère de Steve Rowland aka XIII. Les événements prennent place jute après la fin du tome 2 et font le lien jusqu'au tome 10, permettant ainsi de faire le lien entre la veuve faussement éplorée ayant hérité de la demeure Rowland et la femme du chef dictateur du Costa Verde.
Un épisode finalement assez intéressant comparé à d'autres car il s'imbrique parfaitement dans le récit et couvre avec réalisme la cavale de la jolie blonde pour fuir la police de son pays en raison du meurtre de son mari pour finir après moult péripéties dans les bras du dictateur Ortiz. Cette cavale n'est certes pas originale, mais le scénario de Matz, scénariste de la remarquée série Le Tueur, est très efficace et mène l'action tambour battant.Les fans de la série, nombreux, trouveront en cet épisode pas mal de réponse à leurs questions sur Felicity Brown. Le dessin servi par Rossi rend un bel hommage à la série mère et au trait de Vance tout en étant un peu plus rond et plus doux rendant ainsi Felicty très sexy. La bande dessine ne casse pas forcément trois pattes à un Duckie, mais elle se laisse agréablement lire, sert bien l'univers et trouvera facilement son public. D'autant plus appréciable qu'il rattrape un peu la série dont le dernier tome sur Martha Shoebridge était plutôt médiocre.
Lu Fastefoode de Bernstein et Pluttark.
Fastefoode, c'est l’histoire d’un fast-food (tiens donc?) présentant ce qu’il y a de pire en matière d’hygiène et de marketing. Le chef Roland et son acolyte sont prêts à vous accueillir, mais c’est à vos risques et périls. Viandes animales aux origines discutables, menus bios réalisés à partir des restes, jouets non adaptés et à caractère sexuel distribués dans les menus enfants... bref, les griefs pour se plaindre sont nombreux. Mais l’équipe de Fastefoode n’est plus à un procès près...
Le scénariste Jorge Bernstein (La bureautique des sentiments, Space Serenade...) et le dessinateur Pluttark (oeuvrant sous son vrai nom Rudy Spiessert pour le journal de Spirou), s’attaquent à l’univers de la malbouffe. Au travers de strips et de quelques gags en une page, ils s’appliquent à mettre en place un humour sans concession, trash et irrévérencieux. Bernstein avoue d’ailleurs avoir puisé son inspiration humoristique dans la série Paf et Hencule de Goupil Acnéique et Abraham Kadabra. L’humour est bien gras comme les frites, et si parfois il frise l’indigestion, il sait tout de même faire mouche et nous faire rire. Le trait simple, sans prétention mais néanmoins efficace de Pluttark colle parfaitement au fond et à la forme. Et derrière les gags se cache une critique acerbe de la restauration rapide, du marketing et de la politique de management en présentant de manière exacerbée leurs travers et leurs abus.
La prochaine fois que vous irez dans un fast-food, il est plus que probable que vous regardiez votre cornet de frite d’un autre oeil...
Fini le cinquième et dernier tome de Mutafukaz par Run.
Les humains de Dark Meat City réussiront-ils à repousser l'invasion des Machos, ces extra-terrestres nés de l'anti-matière? Quel sera le destin de Vinz et Lino, les deux loosers télescopés dans cet immense complot ayant pris des proportions démentes? Les réponses dans cet ultime volume de la série!
La grande force de Mutafukaz, c'est son univers. Pour faire simple, on pourrait le décrire comme un croisement hybride entre le jeu vidéo GTA San Andréas, le film District 109, la lucha mexicaine et les magazines Pulp américains des années 50. Et de multiples autres références jalonnent le récit, mettant ainsi en place un univers atypique et unique où on prend un plaisir fou à replonger. Le traitement de l'histoire est toujours aussi éclaté, hallucinatoire avec de nombreux flashbacks, passant de la colorisation à du noir et blanc ou de la bichromie, avec du papier mat, du papier glacé, des pubs, des dossiers et des faux articles de journaux. Un joyeux bordel qui est cependant d'une incroyable cohérence et qui enrichit encore un peu plus l'univers et ce format "patchwork" assumé.
Mais si le forme claque toujours autant et a un cachet terrible, qu'en est-il du fond? C'est un peu ici que le bât blesse. Après 10 ans, la série, qui pourtant était partie sous de bons hospices, retombe comme un soufflet. L'auteur semble s'être un peu perdu en chemin, rame quelque peu pour donner une conclusion satisfaisante à la série. Les évènements se précipitent un peu, sont plutôt prévisibles et paraissent inachevés. J'ai personnellement eu une pointe de frustration à la fin de la lecture et je n'ai pu m'empêcher de penser: "Alors tout ça pour ça?".
Reste quand même une bande dessinée malgré tout plaisante, qui pète dans sa réalisation mais au potentiel malheureusement sous-exploité.
Un film est apparemment en cours de préparation et devrait sortir en 2017. Cela vaudra certainement le coup d'y jeter un oeil, d'autant plus que le studio chargé de sa réalisation est l'excellent studio 4°C (Amer Béton).
Lu L'accessoiriste de François Deflandre.
Eloïse, passionnée de cinéma, rentre en tant que femme de chambre au service d'un magnat du cinéma, un riche producteur répondant au nom de Luis Krell, dit Leomidas, dit le Nabab, dit le grand K. L'homme est également appelé "L'accessoiriste" en raison de ses débuts modestes dans l'industrie du cinéma et de sa grande collection d'objets, costumes et décors de cinéma. Mais l'univers de Luis Krell est étrange, et Eloïse s'interroge sur l'homme et sur la manière dont un simple accessoiriste a pu devenir un nanti mégalomane.
Ce n'est pas la première fois que François Deflandre met en scène Eloïse, cette femme de chambre voyageant de palais en châteaux et tenant un journal de bord sur les agissements des maîtres des lieux. Après Puzzle Gothique en 2009 et Le cercle des Spectres en 2012, L'accessoiriste est la troisième aventure de cette héroïne moderne.
Le décor de ce nouvel opus est posé dans un univers fantasmagorique et fascinant, celui d'un homme mégalomane ne se refusant rien et mêlant dans son château appelé "Krelland" illusion et réalité. Le lecteur, tout comme l'héroïne, perd complètement le sens des réalités dans ce temple dédié au 7eme Art. D'autant plus que le personnage de Krell, énigmatique et inquiétant, cache bien des choses dans ce monde d'artifice qu'il s'est forgé. Les évènements prendront aussi une tournure inattendue et fantastique qui ne manquera pas de déstabiliser le lecteur.
Deflandre maîtrise cependant parfaitement sa narration et distille les éléments mettant le lecteur, par le prisme de l'héroïne, sur la voie de la vérité. L'écriture du journal d'Eloïse est d'un style agréable et intelligent, se lisant avec plaisir. Le dessin, faussement naïf et réalisé sur des pages grises, tire vers le rouge ainsi que vers les couleurs sombres, donnant un côté polar à son récit. La mise en scène, au découpage cinématographique et aux références aussi nombreuses que variées au cinéma appuie l'hommage vibrant que fait l'auteur au 7eme Art.
Bref, L'accessoiriste est une oeuvre astucieuse aussi riche qu'intelligente qui ravira aussi bien les cinéphiles que les bédéphiles et prouvant encore une fois que ces deux univers ne sont pas si éloignés.
Seule ombre au tableau, le récit est un peu trop court, et on aurait aimé voir l'histoire et cet univers incroyable se développer encore un peu plus.
L'auteur a lui-même mis en scène la bande-annonce pour la promo de sa bd que voici:
Lu Crève Saucisse de Simon Hureau et Pascal Rabaté.
Je reprends le résumé à l'arrière du livre qui est particulièrement savoureux: "Quand on fait des cornes à un boucher, faut pas s'étonner de passer de l'état de client à celui de marchandise".
Crève Saucisse, c'est l'histoire désespérément commune d'un homme à qui sa femme fait cocu avec son meilleur ami. A ceci près que l'homme, boucher de son état, est au courant et a fermement l'intention de se venger. Il va mettre lentement en place le crime parfait. Pas très original dans le propos et vu et revu. Mais il faut quand même avouer que Hureau et Rabaté dépeigne parfaitement le passage à l'acte de ce pauvre boucher. Le quotidien, émaillé de frustration et de colère, transforme petit à petit cet homme affable, au demeurant fort sympathique, en meurtrier de sang froid. Car la force du livre est de nous présenter Didier (le boucher donc), comme un père de famille exemplaire, travailleur, affable, amateur de bd et aux petits soins avec son épouse. Le tableau dressé de ce personnage ordinaire nous le rend sympathique pour ensuite démontrer avec brillance et éclat comment n'importe qui peut soudainement basculer vers l'indicible s'il se sent acculé et poussé à bout. Le trait lisible et tout en simplicité de Hureau ferait presque penser à un album jeunesse et souligne encore un peu plus la sympathie envers le personnage.
Une bande dessinée sans prétention donc, mais qui autopsie avec minutie le pourquoi du comment d'un fait divers passionnel. A noter au passage un petit hommage à une série culte du 9ème art, Gil Jourdan de Maurice Tillieux, dont l’album La voiture immergée inspire au héros son plan de vengeance machiavélique.
Lu Traquemage Tome 1: Le serment des Pécadous de Lupano et Relom.
Pistolin est un berger vivant dans un petit village de montagne et produisant des fromages Pécadous. Lorsque son troupeau de Cornebique est entièrement décimé à cause de la guerre des mages, Pistolin fait un serment: débarrasser le royaume des 5 mages qui se font une guerre sans merci et qui tuent le petit commerce. Accompagné de sa dernière cornebique répondant au doux nom de Myrtille, il part sur les routes afin de débuter sa quête. Sa rencontre avec Pompette, une fée alcoolique et maladroite va le mener sur la voix. Serait-il le "Traquemage"? L'élu?
Traquemage est un récit se réappropriant avec humour les codes de l'heroic fantasy pour devenir un genre nouveau: la rural fantasy fromagère. La combinaison des géniaux auteurs Lupano (Les vieux fourneaux, Ma révérence, Sept Nains...) et Relom (Andy et Gina qui est une des séries les plus drôles du catalogue Fluide Glacial) est très excitante sur le papier, mais reste plutôt décevante dans la réalité. Personnellement, j'en attendais plus et je reste un peu sur ma fin pour ce démarrage en demi-teinte. L'univers, l'histoire et l'humour employé sont finalement assez conventionnels malgré l'originalité prônée et si les personnages anti-héros sont attachants, ils manquent pour le moment d'un peu de relief.
Attention, ce premier tome de Traquemage est cependant loin d'être mauvais et reste une lecture très divertissante sur laquelle on prend un plaisir certain. Mais les deux auteurs, chacun de leur côté, nous avait habitués à mieux. D'où cette pointe de déception. Reste à voir comment l'histoire évoluera.
Lu DoggyBags tome 8.
Nouveau tome de la série d'horreur à la française. 3 nouvelles histoires courtes oscillants de 30 à 40 pages et réalisées par des auteurs différents sous le chapeautage bienveillant de Run (l'auteur de Mutafukaz et directeur de publication chez le Label 619).
Les histoires rendent hommages au genre horrifique, à la série B et à des réalisateurs tels que Carpenter ou Rob Zombie dans une ambiance Creepshow. Elles s'inspirent souvent de faits réels et de légendes populaires venant de tout pays. Si fatalement on préfère toujours certains auteurs ou dessinateurs, le tout est plutôt homogène et d'excellente facture car cela reste incroyablement jouissif et divertissant. Des dossiers assez complet viennent souvent s'ajouter aux histoires pour expliquer le fait divers ou la légende urbaine qui a inspiré l'histoire. Un OVNI dans la production bd française qui, si elle pourra laisser indifférents certains de par ses références au cinéma de genre horreur, se révélera être une bonne claque dans la gueule pour tous les autres.
Les couv' des 3 histoires du présent volume:
Lu Tomsk-7 de Zezelj.
Tomsk-7 est un recueil de huit histoires courtes. Toutes prennent place dans un univers de béton où les personnages rêvent d'évasion.
Lorsqu'on referme Tomsk-7, on se demande ce qu'on vient de lire. L'originalité et la sensibilité profonde de Zezelj éclate à chaque page. Le trait en noir et blanc est d'un incroyable esthétisme, avec des contrastes et un encrage marqués, et qui dépeint un univers où les personnages tentent d'échapper à leurs conditions de manière poétiques et oniriques. C'est très sombre, parfois souvent noir, mais sans être dénué d'espoir et la symbolique prend une place importante. Un simple oiseau qui s'envole devient ainsi une incroyable bouffée d'oxygène et d'espoir dans un monde anxiogène et étouffant. L'urbain et la poésie se côtoient de manière intime, imprégnant le récit d'une atmosphère étrange et fantasque.
Beaucoup n'apprécieront sans doute pas, mais Tomsk-7 a le mérite d'être engagé tant sur le fond que sur la forme, et ne laissera pas indifférent.
Lu Sur les routes de France (1952/1954) de Pierre Fournier.
En 1952, Pierre Fournier a quinze ans et raconte sur des carnets de dessin ses vacances avec ses parents et ses deux soeurs. A bord d'une Renault Primaquatre du début des années 30 surnommée Caroline, Pierre et sa famille sillonne les routes du Sud de la France, couchant le plus souvent dans une tente au bord du chemin. Le jeune garçon décrit ainsi une France encore majoritairement rurale, dénuée de toute urbanisation et rapportant le quotidien du campeur français moyen dans ces années d'après-guerre au travers de nombreuses anecdotes.
Pierre Fournier est un des père fondateurs de l'écologie en France. En 1972, après avoir participé activement à la fin des années 60 en tant que dessinateur et chroniqueur aux célèbres revues Hara-Kiri et Charlie Hebdo, il fonde son propre journal mensuel La gueule ouverte. Pierre Fournier se fait alors surtout connaître pour ses positions farouchement anti-nucléaires et pour sa dénonciation des ravages de l'industrie moderne dans la société contemporaine. Il meurt malheureusement l'année suivante, en 1973.
Sur les routes de France est donc la première oeuvre, le premier reportage du futur écologiste. Déjà, on sent à travers les dessins et la culture familiale, un attachement à la terre, à la tradition. On peut voir des curés jouant à la pelote basque, des baignades dans des rivières, du camping sauvage... Pierre Fournier nous raconte l'un des premiers road trip jamais répertoriés de façon tendre et humoristique. Le trait est naïf et se cherche, il n'a que quinze ans, mais il possède une spontanéité, une fraicheur et déjà une certaine identité qui rend ces vacances somme toute ordinaire très touchantes. On a l'impression que le petit Nicolas, le célèbre personnage de Gosciny et Sempé, a pris vie. Un document assez précieux, car il est assez rare, surtout pour l'époque, de voir le style d'un dessinateur en pleine maturation, en pleine mutation. L'enfant, par le biais du dessin sort de sa chrysalide pour se transformer en adulte et en dessinateur au style assumé et accompli.
Quelques clichés d'époque, présentant la famille Fournier, sont également présents dans l'album, conférant ainsi à l'oeuvre un goût de nostalgie, d'insouciance et de véracité encore plus vivace.
Lu Olympia de Vivès, Ruppert et Mulot.
Trois voleuses spécialisées dans la subtilisation d'oeuvres d'art et répondant aux doux noms de Alex, Carole et Sam, doivent voler trois tableaux, dont le célèbre Olympia de Manet, réunis dans une exposition à Paris. Elles ont mis en colère les mauvaises personnes, et ce vol est leur dernière alternative pour sauver leurs vies.
Cet album est la suite de La Grande Odalisque par les mêmes auteurs et sorti en 2012. Référence assumée à Cat's Eyes, la célèbre série de Tsukasa Hojo, les trois voleuses possèdent leurs propres caractéristiques et leurs personnalités bien distinctes, les rendant d'emblée attachantes. Pour ce deuxième volume, tout est mieux maîtrisé que le premier, qui était plutôt bon, mais restait somme toute assez commun. Les dessins de Vivès sont au top, le rythme est maîtrisé de bout en bout, le suspense est haletant et cerise sur le gâteau, c'est drôle. L'album enfonce littéralement son grand frère, et c'est tant mieux! Une bande dessinée qui reste accès sur le divertissement et l'action, mais elle le fait avec un tel brio, qu'une fois l'album fini (d'une traite!), on se prend à espérer de nouvelles aventures de nos trois voleuses.
Et un petit bonus, pour la nostalgie!
Lu XIII Mystery tome 9: Felicity Brown de Rossi et Matz.
Ce nouvel album de la série XIII Mystery s'arrête sur le destin de Felicity Brown, la belle-mère de Steve Rowland aka XIII. Les événements prennent place jute après la fin du tome 2 et font le lien jusqu'au tome 10, permettant ainsi de faire le lien entre la veuve faussement éplorée ayant hérité de la demeure Rowland et la femme du chef dictateur du Costa Verde.
Un épisode finalement assez intéressant comparé à d'autres car il s'imbrique parfaitement dans le récit et couvre avec réalisme la cavale de la jolie blonde pour fuir la police de son pays en raison du meurtre de son mari pour finir après moult péripéties dans les bras du dictateur Ortiz. Cette cavale n'est certes pas originale, mais le scénario de Matz, scénariste de la remarquée série Le Tueur, est très efficace et mène l'action tambour battant.Les fans de la série, nombreux, trouveront en cet épisode pas mal de réponse à leurs questions sur Felicity Brown. Le dessin servi par Rossi rend un bel hommage à la série mère et au trait de Vance tout en étant un peu plus rond et plus doux rendant ainsi Felicty très sexy. La bande dessine ne casse pas forcément trois pattes à un Duckie, mais elle se laisse agréablement lire, sert bien l'univers et trouvera facilement son public. D'autant plus appréciable qu'il rattrape un peu la série dont le dernier tome sur Martha Shoebridge était plutôt médiocre.