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Que lisez vous en ce moment ?

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Portrait de Depakote
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A rejoint: 8 janvier 2019
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Avec l'immense travail de réécriture d'Alexandre Vialatte.
Il y a eu deux miracles en traduction.
Edgar Poe par Baudelaire.
Kafka par Vialatte.

Edité par Depakote le 15/11/2020 - 19:18
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Il paraît qu'il y avait également la traduction de Faust par Gérard de Nerval.

Portrait de Depakote
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A rejoint: 8 janvier 2019
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Sans oublier Shakespeare par Yves Bonnefoy.
Le mec est mort il y a quatre-cinq ans, personne n'en a parlé.
Hormis FC, évidemment.
Lire Shakespeare par Bonnefoy est un délice.
Cela change de la traduction ancestrale de François-Victor Hugo qu'on retrouve encore aujourd'hui dans la plupart des éditions, dont les classiques scolaires.

Portrait de Pang Tong
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A rejoint: 12 novembre 2016
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Claw a écrit:
Merci beaucoup pour ce partage Pang Tong! Ca a l'air très intéressant comme livre.

Je ne m'y connais pas beaucoup en littérature russe, mais j'ai quand même lu :
- La métamorphose (Kafka, quoique je ne sois même pas tout à fait sûr qu'il soit russe...)
- La montre (Tourgueniev)
- Crime et châtiment (Dostoïevski)
- Anna Karenine (Tolstoï) : + de 1000 pages! Même pas peur...

Toujours un plaisir ! D'ailleurs, si tu es intéressé par littérature russe, je te conseille Les âmes mortes de Gogol, un vrai chef-d'œuvre !

Tu as aussi : Nabokov, même si on peut le mettre dans la littérature américaine...

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de Archibald
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A rejoint: 31 mai 2013
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

1984 de George Orwell. Que dire de ce livre ? L'atmosphère est incroyablement oppressante et déprimante, les sujets de réflexion sur la surveillance, sur le passé, sur le contrôle de la population sont vastes et passionnants, et la fin est profonde, bien plus que ce que j'imaginais en parcourant l'histoire.
Pour tout dire, deux jours après l'avoir terminé j'étais encore plongé dans l'ambiance, ça faisait longtemps que cela ne m'était plus arrivé en sortant d'un livre.

Un chef d'oeuvre de la littérature !

Portrait de Pang Tong
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A rejoint: 12 novembre 2016
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Happe-Chair de Camille Lemonnier (1844-1913), c'est le roman des ouvriers qui croulent et meurent sous le poids du travail imposé par les grands patrons. C'est aussi l'histoire de ce monde ouvrier de la fin du XIXe siècle belge, inculte, rustique, animal. Ces bêtes de somme qui rient, boivent, pleurent, se battent et meurent entre eux. Ces laissés-pour-compte qui tentent de survivre dans l'usine sidérurgique dans laquelle ils sont employés mais finissent bien souvent par y mourir abimés, cassés qu'ils sont par cette vie insoutenable. C'est aussi l'histoire de ces rencontres entre mâles et femelles où les uns cherchent à "s'amuser" avec les autres qui, une fois engrossées, cherchent à se marier afin de s'assurer un petit futur...

On y suit la pauvre Clarinette Huriaux se dépravant petit à petit au contact de ces rudes manœuvres. Bien qu'elle rencontre assez tôt son Jules, le bon Jaques, avec lequel elle aura une fille, la petite Mélie, elle ne peut s'empêcher de mentir, de tyranniser, de voler son ménage dans l'illusion d'une belle vie emplie de superficialités. Le roman ne se limite pas à ce seul aspect puisque cette dépravation se déroule dans un univers de lente révolte ouvrière et de violence sociale. C'est aussi l'homme face à la Machine qui le tort, qui le broie et qui finit par le tuer...

Roman dur que celui-là. La description du monde ouvrier par Lemonnier est nette et sans concession. Sans concession pour les patrons, pour la plupart exploiteurs sans vergogne intéressés par le seul profit ; sans concession pour ces ouvriers bien souvent réduits à un état quasi "animal". Est-ce leur faute ? Je pense que cela n'est pas le propos de l'écrivain.

Souvent appelé le "Zola belge", Lemonnier insiste lourdement sur la nature des personnages qui composent son ouvrage. En cela, les deux maîtres peuvent être effectivement rapprochés. La comparaison s'arrête cependant là, Lemonnier prenant un bien plus grand soin à l'esthétique de son style littéraire. Il est parfois difficile de le lire tellement il est flamboyant et lyrique — de temps en temps à l'excès si vous voulez mon humble avis. Son expression peut paraître aujourd'hui quelque peu ampoulée et je pense qu'il n'est plus vraiment possible d'écrire de cette manière au risque de passer pour un poseur insupportablement prétentieux et suffisant. De même, j'ai parfois eu l'impression que Lemonnier, un peu comme Zola, se complaît dans la crasse et cette mise en scène du stupre. Ce n'est pas forcément choquant mais c'est un peu facile je trouve. Il n'en demeure pas moins que Lemonnier possède un style bien à lui.

L'auteur est un vrai écrivain qui pense comme tel. Ainsi, lorsqu'il doit faire parler ses ouvriers, il prend le choix du parlé vrai, c'est-à-dire le dialecte de la région. Cette décision, respectable d'un point de vue littéraire, rend cependant la lecture beaucoup plus ardue même si la transcription dudit dialecte est effectuée d'une main de maître. Le lecteur se retrouve en effet au milieu de ce monde ouvrier de cette fin XIXe siècle.

Comme d'habitude, un petit extrait pour vous donner un avant-goût :

Citation:
L'usine haletait dans une fin d'après-midi de juillet. Il y avait une heure à peu près que la dernière coulée, sortie pétillante et rouge du ventre des hauts fourneaux s'était solidifiée dans les lingotières. À coups de masses, des hommes aux pectoraux nus rompaient à présent cette lave froide, en empilaient les blocs dans leurs mains munies de paumes de cuirs, le torse projeté en arrière, avec la saille violente des côtes, l'un après l'autres allaient vider leurs charges sur des roulottes qui ensuite prenaient à grand bruit le chemin des laminoirs, cahotant parmi les scories des cours et de rails en rails rebondissant à travers les voies ferrées qui sillonnaient l'aire en tout sens. Tout en haut, dans les flammes pâles du jour, l'énorme gueulard, pareil à un cratère, exhalait des troublions de gaz bleus, allumés par moments d'un rose d'incendie ; plus bas, le long de la ligne des fours à coke, crépitaient des rangs de feux clairs, dans un brouillard de puantes fumées noires ; et constamment les longues cheminées grêles des fours à puddler et à chauffer lançaient leurs flottantes spirales grises parmi les jets bouillants éructés des chaudières.

Bonne lecture !

Edité par Pang Tong le 28/11/2020 - 10:14

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de doki
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A rejoint: 16 décembre 2012
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Les Chroniques de l'Erable et du Cerisier (tome 1 - Le masque de no) de Camille Monceaux

Y a peu de temps, je cherchais un bouquin à lire, n'importe quoi (roman policier, fantasy, autobiographie, littérature etc..) peu importe, j'essayais de trouver un truc bien. Après avoir acheté deux bouquins que j'ai mis de côté car non captivants, mon regard est tombé sur un livre dont la couverture m'a tout de suite fait de l'oeil. Après avoir regardé deux ou trois avis sur le net qui en disait que du bien, j'ai décidé de me le prendre.
Et bien je ne regrette pas.

Ecrit par Camille Monceaux, une Française passionnée par le Japon s'envolant même pour ce pays, nous conte une histoire se déroulant dans le Japon du début XVIIe siècle, peu de temps après la grande bataille de Sekigahara. Une histoire dont le héros Ichiro, un nourrisson abandonné, est élevé par un ancien maître samouraï vivant reclus dans les montagnes et qui entraînera en grandissant le jeune Ichiro à la voie du sabre. Mais quelques années plus tard, par une soirée dramatique, il se voit dans l'obligeance de prendre son propre destin en main.

Voilà vite-fait en gros pour l'intrigue, j'en dis pas plus.

Moi qui ne trouve pourtant rarement refuge dans la lecture, trouvant les livres pour la plupart du temps ennuyant pour ne pas dire chiants à lire, celui-ci est je trouve superbement bien écrit. Le style d'écriture est à la fois simple tout en apportant une touche de poésie. On est vraiment prit dans l'histoire grâce à des personnages attachants, les chapitres sont courts et s'enchaînent rapidement. Ca se lit vraiment très facilement. Et quand on referme le bouquin pour marquer une pause, on a qu'une hâte c'est de le rouvrir pour connaître la suite.

Autrefois j'avais lu La Pierre et le Sabre et sa suite La parfaite lumière d'Eiji Yoshikawa qui sont de très bons romans que j'avais bien aimé, et bien honnêtement, ces Chroniques de l'Erable et du Cerisier est je trouve bien plus captivant encore.
Franchement si vous aimez le Japon et les romans, foncez !

Pour vous dire, je ne suis même pas encore à la moitié des 400 pages que composent ce premier tome que j'attends déjà la sortie du second avec impatience.

Edité par doki le 18/01/2021 - 18:55
Portrait de UNCHARTOUILLE
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Le nom de la rose.
J'adore le film alors je voulais lire l'original.
On se rend compte que le film est très fidèle, et que tout ce qui est "survolé" dans le film est génial à lire dans le livre.
Le livre décrit beaucoup de faits historiques et c'est trop cool on apprend plein de choses.

Les papes d'Avignon, les courants spirituels de l'époque, les courants hérétiques, les cathares, les inquisiteurs. Des trucs qui définissaient la société d'avant ! Tout ça raconté autour d'une enquête sur des meurtres à répétition.

Ce qui est surprenant c'est que malgré le fait que ça se passe dans une quasi autre dimension on fait le lien entre ce qui est dit dans le livre, et des faits d'actualité récents (soulèvements sociaux, déliquéscence des figures d'autorité).

Et pour ce qui est de la thématique de l'amour du prêtre, c'est fou. Un jeune prêtre tombe amoureux d'une femme, ils forniquent, mais après il se pose 50000 questions théologiques cheloues pour savoir en quoi il a pêché. C'est assez tragique ^^ et ça va bien au delà de l'histoire de ce prêtre. Comme dans le film, c'est le fil d'Arianne.

Edité par UNCHARTOUILLE le 18/01/2021 - 19:43
Portrait de Pang Tong
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Oblomov de l'écrivain russe Ivan Gontcharov (1812-1891) est une ode à la paresse diront certains. La chose n'est pourtant pas totalement si évidente. Ce qui est certain, c'est que le roman conduit le lecteur à rencontrer ce fameux Oblomov "partisan de la position allongée". Ce brave homme est en effet tellement paresseux qu'il n'arrive pas à quitter son divan dans lequel il végète des heures durant.

Petit propriétaire terrien — il possède un domaine de 300 âmes — il néglige ses affaires au point de la laisser péricliter. Pire encore, le pauvre homme se laisse voler sans vergogne sans que cela puisse le tirer de sa léthargie. Son seul véritable ami Stolz, entrepreneur brillant et énergique, essayera de secouer son compagnon sans réel succès. De même, la belle Olga, si elle pensera un temps y avoir réussi grâce à ses charmes et surtout grâce à son amour, devra se résigner à abandonner l'affaire à son tour. Non, décidément, notre bel Oblomov n'est ni fait pour entreprendre ni fait pour aimer, deux choses bien trop fatigantes en vérité.

Le roman, très drôle à de nombreux endroits, fait preuve d'une profondeur d'esprit au fur et à mesure des pages. Si Oblomov n'est pas un modèle de vertu, il permet de nous interroger sur notre société et notre place dans celle-ci. Oblomov est une sorte de catalyseur attirant le pire autant que le meilleur. C'est aussi une belle image de ce que nous sommes plus souvent que nous ne le pensons : des victimes subissant leur vie plus que ne la contrôlant. Oblomov a pris le choix de ne rien faire, jamais. Son attitude pourrait, en ce sens être condamnable mais c'est oublier deux choses : contrairement au plus grand nombre, il a conscience de cette faiblesse ; cette faiblesse, même si elle est conscientisée n'en demeure pas moins une faiblesse insurpassable. C'est, pour moi, ce qui apporte une touche plus nuancée à ce roman. Oblomov sait qu'il est faible et il sait qu'il n'a pas la force de sortir de cette léthargie. Que lui reste-t-il comme choix ? Se mentir à lui-même — choix partagé par le plus grand nombre — ou accepter, se résigner à son état.

La résignation pourrait être perçue comme le plus mauvais choix. Ce n'est pas mon cas. La résignation demande en effet non seulement d'avoir la capacité d'identifier nos limites et nos faiblesses mais de les accepter, chose terriblement difficile...

Pour vous donner l'eau à la bouche, je vous propose en extrait un morceau de bravoure consistant en la définition de l'insignifiance même :

Citation:
Entra un homme d'âge indéterminé, au visage inexpressif, ni beau ni laid, ni grand ni petit, ni blond ni brun. Bref, la nature ne l'avait doté d'aucun trait marquant. Beaucoup l'appelaient Ivan Ivanitch, d'autres, Ivan Vassilievitch, d'autres enfin Ivan Mikhaïlovitch.
Son nom de famille prenait également des formes assez variées. Les uns disaient Ivanov, d'autres Vassiliev ou Andreïev. Quelqu'un qui le voyait pour la première fois, et à qui on le présentait, oubliait sur-le-champ son nom et son visage. Autre détail : on ne retenait pas davantage ses propos. Bref — nous y revenons — sa présence n'ajoutait absolument rien à une société, et son absence ne la privait non plus de rien. Il n'avait, pour tout avouer, aucune originalité d'aucune sorte. Peut-être eût-il pi, cependant, raconter ce qu'il avait vu et entendu, de manière à intéresser un peu les autres, mais il n'avait jamais été nulle part. Né à Pétersbourg, il n'en n'était jamais sorti. Et par conséquent il n'avait vu et entendu que ce qu'avaient déjà vu et entendu les autres.
Un tel homme peut-il être sympathique ? Est-il capable d'aimer, d'haïr, de souffrir ? Sans doute, car aucun homme, du moins à première vue, ne semble dispensé de ces passions. Mais celui-là a trouvé on ne sait quel subterfuge pour simplement aimer tout le monde. Il existe en effet des gens en qui on n'arrive pas à susciter des idées, ni même des sentiments d'animosité, de rancune, etc. etc. On peut leur faire ce qu'on veut, ils restent toujours aussi caressants. Il faut, du reste, leur rendre cette justice que leur amour non plus — si on le mesure au thermomètre — ne dépasserait jamais un certain degré de... disons : tiédeur. On dit bons ces hommes qui aiment tout le monde, mais en réalité ils n'aiment personne et ne sont bons que parce qu'ils ne peuvent même pas être mauvais. Si, devant un tel homme, d'autres font l'aumône à un pauvre, il lui jettera aussi quelques sous ; mais si ces autres injurient ou chassent le pauvre, il fera comme eux : il l'injuriera et le chassera. On ne peut le dire riche, car riche, il ne l'est pas ; il serait plutôt pauvre ; mais on ne le dit pas non plus pauvre, car il en existe pas mal de plus pauvres que lui.
Il dispose d'un revenu annuel d'environ trois cents roubles, et par-dessus le marché il exerce quelque part un travail assez subalterne, grâce auquel il touche, du reste, un traitement assez médiocre ; mais s'il ne vient à personne l'idée de lui emprunter de l'argent, il n'en emprunte non plus à personne, ne souffrant pas du besoin.
Il n'a pas dans son service de fonction bien définie, pour la bonne raison que ni ses chefs ni ses collègues n'ont jamais su ce qu'il faisait bien et ce qu'il faisait mal, bref, ce dont il était capable. Si on le charge d'une besogne quelconque, il l'accomplit de telle manière que son chef ne peut jamais apprécier au juste son travail. Jamais non plus on surprend sur son visage l'ombre d'un souci, ou le reflet d'un rêve qui témoignerait, à quelque titre que ce fût, d'une vie intérieure ; jamais on ne le voit fixer d'un œil inquisiteur un objet dont il voudrait pénétrer l'essence. Si, dans la rue, il rencontre quelqu'un qui lui demande : "Où allez-vous ?" il répond : "Voilà, je vais à mon travail", ou "faire des achats", ou "accompagner un tel". Mais si ce quelqu'un insiste et lui dit : "Venez plutôt avec moi, à la poste, ou chez le tailleur, ou marcher un peu", alors il le suit, même si pour ce faire il doit prendre une direction tout à fait opposée à celle qu'il suivait.
Personne, excepté, bien sûr, sa mère, ne semble avoir remarqué son entré dans le monde. Et personne ne remarque sa présence au cours de sa vie ; personne assurément ne remarquera sa disparition. Personne ne s'informera de lui, personne ne le regrettera, mais personne non plus ne se réjouira de sa mort. Il n'a ni amis ni ennemis, seulement un nombre infini de "connaissances". Seul peut-être son convoi funèbre attirera l'attention. Oui, il se peut qu'un passant gratifie ce défunt indéterminé d'un salut, salut qui lui sera ainsi rendu pour la première fois. Et il se peut aussi qu'un curieux coure en avant du cortège pour s'enquérir du nom du défunt ; qu'il l'apprenne ; mais dans ce cas, il ne sen souviendra pas.
Car Alexïev, ou Vassiliev, ou Andreïev (peu importe) n'est qu'une masse inerte, un écho assourdi, un vague reflet.

Bonne lecture !

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

Portrait de Pang Tong
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A rejoint: 12 novembre 2016
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Re: Que lisez vous en ce moment ?

Les Grandes Espérances de l'écrivain anglais Charles Dickens (1812-1870) est un roman d'apprentissage. Raconté à la première personne, le récit retrace l'enfance et l'adolescence du jeune héros-narrateur Philip Pirrip, dit Pip. Le jeune héros, orphelin et recueilli par une grande sœur tyrannique, est destiné à devenir forgeron, tout comme son débonnaire beau-frère et ami John, dans un village perdu du Kent.

Sa rencontre inattendue avec un évadé, Abel Magwitch, est le début de son aventure. L'évadé sera vite ramené au ponton — sorte de bateau-prison — mais il laissera des traces dans l'esprit du jeune héros. Celui-ci, continuant son bonhomme de chemin, sera amené à rencontrer toute une série de personnages tous plus particuliers les uns que les autres. Par exemple, Miss Havisham, riche vieillarde abandonnée le jour de son mariage par son prétendant et ne vivant plus que dans se souvenir ; La jeune Estella, dont la beauté n'a d'égale que la sécheresse de son cœur ; le brave forgeron John, son beau-frère, pas très instruit mais si bon au fond ; ou encore Wemmick, personnage assez singulier dont la personnalité est partagée en deux parties bien distinctes qu'il parle en tant que professionnel ou en tant qu'ami. Il sera aussi conduit, par un coup du sort, à Londres où il vivra une vie bien plus fastueuse que ce qu'il pouvait imaginer d'abord. Cette richesse inattendue ne sera pas sans conséquence sur les relations qu'il entretiendra avec son cercle d'amis et de connaissances et l'amènera à prendre des décisions pas toujours très belles. Mais, rappelez-vous que c'est un roman d'apprentissage, et les Grandes Espérances de Pip se transformeront peut-être en Grandes désespérances au fur et à mesure de son apprentissage...

J'ai bien apprécié ce roman. Les images suscitées par l'écrivain peuvent receler une certaine force tout en même temps qu'une dimension poétique. En outre, le ton et le rythme de l'écriture rendent très agréable la lecture et les pages se tournent sans que cela se remarque vraiment. L'humour rencontre le tragique et offre une œuvre douce-amer aussi riche que diverse.

Par contre, j'ai parfois été un peu dérangé par la structure même de l'œuvre et l'enchaînement des événements. C'est sans doute question de goût personnel mais j'ai eu l'impression quelques fois que l'histoire était plus une succession de tableaux plutôt qu'un récit totalement unis. Ce n'est qu'une impression, que je n'ai du reste pas ressentie tout le temps de la lecture, mais je voulais tout de même la mentionner. Plus dérangeants je crois peuvent être les micro-digressions écrites entre parenthèses. Elles sont l'occasion pour l'écrivain de rajouter des informations et des subtilités ; malheureusement, elles coupent souvent le récit au point de pouvoir de temps en temps faire sortir le lecteur de son récit. Ce sont toutefois des petits détails par rapport aux très belles qualités du livre.

Un mot encore sur la fin. Pour faire simple, il existe deux fins possibles à ce roman, toutes deux écrites par l'auteur. J'ai lu les deux et j'ai une préférence pour la fin prévue initialement. Cette fin n'est pas optimiste mais colle bien à cet esprit de roman d'apprentissage à mon sens. La deuxième fin, je dois le confesser, est très belle aussi ; un peu plus optimiste que la précédente même si elle n'est pas totalement heureuse. Je la trouve cependant un peu plus artificielle et moins subtile que la première. Si vous voulez lire le livre, je vous conseille de lire les deux fins et de vous faire votre propre opinion.

Pour finir, un petit extrait dévoilant les premières lignes du roman qui montrent le ton de ce que vous lirez :

Citation:
Comme le nom de famille de mon père était Pirrip et mon prénom Philip, ma langue, dans ma petite enfance, ne sut rien articuler de plus long ni de plus explicite, pour l'un et l'autre de ces noms, que Pip. C'est donc sous le nom de Pip que je me désignai, et sous le nom de Pip que je vins à être désigné.
J'ai dit que mon père s'appelait Pirrip, et je tiens ce renseignement de sa pierre tombale et de ma sœur (Mme Gargery, la femme du forgeron). Comme je n'ai jamais vu mon père et ma mère, ni même un portrait de l'un d'eux (car ils appartenaient à une époque bien antérieure à l'âge de la photographie), la première idée que je me fis de leur apparence fut empruntée, sans rime ni raison, à leurs pierres tombales. La forme des lettres gravées sur celle de mon père me donna la curieuse impression que ce devait être un gros homme trapu au teint sombre et aux cheveux noirs et bouclés. D'après les caractères et l'allure générale de l'inscription :"Ainsi que Georgiana Son Épouse", je parvins à la conclusion puérile que ma mère avait dû être fragile et couverte de taches de rousseur. Quant aux cinq petits losanges de pierre, longs d'un pied et demi environ, qui avaient été méthodiquement alignés à côté de leur tombe, et consacrés à la mémoire de mes cinq petits frères (ils avaient renoncé à essayer de gagner de quoi vivre, et abandonné cette lutte universelle extraordinairement tôt), je leur dois d'avoir cru, avec une foi religieuse, qu'ils étaient tous les cinq nés sur le dos, les mains dans les poches de leur pantalon, et ne les avaient jamais retirées en ce bas monde.

Bonne lecture !

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)